Du crayon au SIG : 30 ans d’archéologie urbaine à Rennes

L’archéologie préventive est une discipline qui a clairement bénéficié des progrès technologiques des dernières décennies. On peut même dire que sa structuration et l’élaboration de ses méthodes ont été accompagnées, voire stimulées, par l’évolution des outils, essentiellement numériques, que les archéologues se sont judicieusement appropriés. Ce murissement du métier se mesure particulièrement bien dans le contexte rennais où plusieurs opérations importantes se sont régulièrement succédé depuis une trentaine d’années.

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Chantier de fouilles archéologiques sur le site de l’hôpital-Dieu de Rennes, 2012 – CC0 – Cliché A. Amet

L’enregistrement des données est certainement l’un des premiers sujets à susciter des réflexions et à motiver la recherche de modes d’acquisition mieux adaptés. Dans les années 1980, les simples cahiers de fouille des pionniers de l’archéologie ne suffisent plus pour retenir et traiter les centaines d’observations auxquelles les archéologues sont confrontés sur des fouilles rapides et importantes. Si le constat est valable pour un site urbain comme pour un chantier rural, la plus forte puissance stratigraphique qui se rencontre généralement en ville pose rapidement des difficultés sur une surface réduite. A Rennes, comme partout, l’utilisation de systèmes d’enregistrements par fiches s’est donc rapidement imposée dès les premiers chantiers de grande envergure : campus Hoche, place Hoche, 3-5 rue de Saint-Malo. Dans les années 1990, le développement de l’informatique facilite la gestion de ces informations grâce à l’utilisation des bases de données.

A la même époque, tous les relevés de terrain se font encore à la main et la topographie est seulement utilisée pour noter des altitudes ou implanter un carroyage. La nouveauté apparait en post-fouille où la mise au net sous DAO (Dessin Assisté par Ordinateur) facilite l’analyse et permet l’obtention rapide de plans de qualité. Cet outil est utilisé pour la première fois à Rennes en 1995, sur le site du 3-5 rue de Saint-Malo.

De même, la réalisation et la gestion des clichés restent problématiques jusqu’au milieu des années 2000 puisque les appareils photos numériques n’existent pas. Toutes les prises de vues antérieures à cette date sont donc conservées sur négatifs ou diapositives couleur même si certaines de ces dernières sont scannées pour être intégrées à des rapports dont le montage est, lui, déjà entièrement numérique. Pour Rennes, le rapport de la fouille de l’ancien hôpital militaire, réalisé en 2002, est le premier dans ce cas.

Depuis une dizaine d’année, l’amélioration des outils informatiques a encore fait évoluer les méthodes de travail des archéologues grâce à des disques durs aux capacités exponentielles et à des processeurs de plus en plus performants. De nos jours, le stockage d’une grande quantité d’images et leur manipulation aisée sont des atouts sur le terrain comme en post-fouille. De même, les nouveaux outils d’acquisition des données renouvellent le rôle des topographes qui sont devenus des auxiliaires essentiels pour les archéologues. Après l’utilisation de photos redressées pour réaliser des plans et des illustrations de qualité, la photogrammétrie permet des relevés précis en 3D qui assurent une nouvelle forme de conservation des données. Ces techniques, encore balbutiantes sur la fouille du couvent des Jacobins, entre 2011 et 2013, sont couramment utilisées aujourd’hui pour les analyses de bâti. Les interventions réalisées aux Portes Mordelaises et sur l’ancien Jeu de Paume en sont de beaux exemples.

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Production musée de Bretagne
Réalisé en partenariat avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et le Centre National de la Recherche Scientifique
Direction scientifique : Elen Esnault – Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)
Modélisation en 3D : Jean-Baptiste Barreau – Centre National de la Recherche Scientifique
© Rennes Métropole / Musée de Bretagne, Inrap, CNRS – 2018
Réalisation Polymorph Software, Montgermont

Toutes ces techniques sont désormais mises en œuvre pour alimenter des SIG (Systèmes d’Information Géographique) qui garantissent au mieux la qualité des informations recueillies, leur analyse et leur conservation numérique. Alors que le Service Régional de l’Archéologie a initié un tel système pour Rennes antique depuis les années 2000, la fouille du couvent des Jacobins est le premier exemple à démontrer, localement, l’intérêt majeur d’un tel outil pour l’étude d’un ensemble funéraire complexe.

Gaétan Le Cloirec, archéologue à l’Inrap, UMR 6566,

co-commissaire de l’exposition Rennes, les vies d’une ville

Août 2019.

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