Quand Condate sort de l’oubli

Que connaissait-on de la ville antique dans les années 1980 : rien ou presque. De nombreuses découvertes ponctuelles, souvent mal documentées et donc mal interprétées, permettaient tout juste d’en proposer une vague étendue. Pourtant, les exceptionnelles bases inscrites retrouvées dans les fondations du rempart témoignaient déjà de la réussite de certains notables riedons dans la Gaule du 2e siècle, tout en révélant le rôle prépondérant de la cité dans l’organisation administrative et religieuse locale. Ces blocs monumentaux, découverts en 1868, 1896 et 1968, supposent aussi l’existence d’édifices majeurs dont il ne reste pourtant aucune trace dans l’urbanisme actuel. Un fragment de la muraille du Bas-Empire était en fait, depuis longtemps, le seul vestige encore visible du passé antique de Rennes. Pas une rue, pas un bâtiment de Condate n’était identifié avant 1977, date de la découverte d’un établissement thermal au moment de la construction du collège Échange dans la rue de Dinan.

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Restitution de la muraille par Alfred ramé – Marque du domaine public – Collection musée de Bretagne

Heureusement, le constat est tout autre aujourd’hui puisqu’on peut désormais localiser avec précision une quinzaine de chaussées organisées selon un maillage orthogonal des plus classiques dans une ville de Gaule romaine. Le plan qui se dessine offre une première trame, encore schématique mais fiable, de l’urbanisme initial. Il est, en revanche, plus compliqué de connaitre la nature des occupations dans les îlots définis par les espaces publics. Quelques secteurs, où plusieurs vastes fouilles ont été réalisées, permettent cependant de lever précisément le voile sur les activités qui s’y pratiquent entre le 1er et le 4e siècle. On constate généralement l’implantation d’artisanats divers et complémentaires aux deux premiers siècles de notre ère (poteries, métallurgie, verrerie, etc.) avant une tendance plus commerciale et résidentielle de la ville au 3e siècle. Cette évolution, classique encore une fois, se traduit par un changement radical des architectures urbaines qui deviennent plus imposantes et plus confortables.

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Lot de vaisselle du 2e siècle, fouille de l’ancien hôpital militaire Ambroise Paré à Rennes, 1999-2000, cl. Hervé Paitier, Inrap

La conservation d’une stratigraphie détaillée permet de connaitre les techniques de construction selon les périodes et les dimensions importantes des surfaces étudiées révèlent plusieurs plans de bâtiments dont certains sont assez complets et caractéristiques pour être identifiés. On constate alors que Condate est une ville essentiellement en bois. C’est évident pour les premières habitations, plutôt modestes, dont les structures à pans de bois s’appuient sur des sablières basses posées au sol. C’est toujours vrai un peu plus tard puisque la maçonnerie est surtout utilisée pour construire des murets qui supportent toujours une architecture en bois. Celle-ci est toutefois plus imposante et certainement plus haute. Quelques très riches demeures ainsi que les constructions à caractère communautaire ou public doivent seulement se distinguer par une architecture intégralement maçonnée.

Gaétan Le Cloirec, archéologue à l’Inrap, UMR 6566,

co-commissaire de l’exposition Rennes, les vies d’une ville

Août 2019

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