Le musée de Bretagne est un musée d’histoire et de société, qui gère des collections généralistes allant de la préhistoire à nos jours, son champ géographique touche la Bretagne historique des cinq départements : une telle ampleur géographique et historique induit des collections d’une grande variété : pièces archéologiques, mobilier, costumes, céramiques, outils, monnaies, etc. traversant l’ensemble des thèmes et des périodes, ainsi que de très riches collections iconographiques qui occupent une place singulière. Conséquentes en nombre, riches en qualité, diverses par leurs techniques, les collections iconographiques irriguent de façon transversale tous les axes abordés par le musée : affiches, estampes, dessins, cartes postales, cartes et plans et bien sûr photographies (tirages et négatifs) constituent la mémoire visuelle de la région.

Au sein des collections iconographiques, la photographie s’impose avec des chiffres qui évoluent au fil des ans : plus de 500 000 négatifs sur verre et film souple – qui nécessiteraient pour un rangement linéaire continu près de deux kilomètres de rayonnages ! – 13 000 tirages, 56 000 cartes postales si l’on inclut cette production connexe à la photographie, ce qui se justifie plutôt bien par rapport aux photographes régionaux qui ont souvent la double casquette de photographe et d’éditeur de cartes postales.
Quatre missions sont essentielles pour constituer et conserver les collections photographiques : collecter (acquérir), conserver, inventorier, diffuser.
Collecter
Le premier registre d’inventaire du musée date de 1845 et c’est en 1851 qu’apparaît dans les registres la première photographie, qui en l’occurrence est un daguerréotype figurant un retable de la cathédrale de Rennes. Puis plus rien jusqu’en 1874, date à laquelle entre le portrait du premier conservateur du musée, Jules Aussant.

Durant la seconde moitié du 19e siècle, les collections s’enrichissent de photographies dites documentaires, qui évoquent essentiellement des vues de paysages, paysages urbains et ruraux : les villes, les monuments « remarquables » (châteaux, manoirs, églises), les grands travaux qui bouleversent les paysages (ponts, viaducs, voies ferrées) ou encore les visites officielles de personnalités et des portraits de personnalités locales en constituent l’essentiel.

On rencontre aussi beaucoup de reproductions de tableaux, d’estampes, de sculptures, de céramiques anciennes des propres collections du musée, ou encore des images figurant des bâtiments neufs destinés à mettre en valeur le dynamisme urbain et les efforts de la municipalité dans ce domaine.

Il faudra attendre la fin des années 1960, avec l’arrivée de Jean-Yves Veillard, conservateur en chef du musée de Bretagne de 1967 à 2000, pour que s’ouvre la deuxième ère de la photographie dans l’établissement, photographie à laquelle il sera fait une très large place.
La photographie devient un axe d’acquisition à part entière au même titre que l’affiche, l’estampe ou le costume. Jean-Yves Veillard va orienter les acquisitions photographiques vers un axe jusqu’alors complètement absent qui est celui des ateliers de photographes régionaux.
Dès le début des années 1970, il entreprend de véritables collectes de terrain auprès de photographes encore vivants : il parcourt ainsi toute la Bretagne, et fait entrer dans les collections du musée de nombreux fonds provenant d’ateliers qui exerçaient parfois sur plusieurs générations ; ces fonds concernent majoritairement des négatifs sur verre, certains sont complétés par des tirages d’époque.

Les dizaines de milliers de photographies qui sont ainsi entrés dans les collections ont orienté la politique d’acquisition vers une nouvelle direction, et vont peser pour longtemps sur les taches d’inventaire liées au traitement scientifique de ces fonds. On trouve dans ces fonds des types de travaux communs à tous les photographes de studio : portraits individuels (identité, communion, baptême, décès, etc. ), portraits de groupe (conscrits, mariage, école, etc. ), scènes de la vie quotidienne (marchés, pardons, fêtes, scènes de battage, artisans, etc. ), paysages, vues d’habitat, quelques reportages.

Ces fonds marquent l’importance du métier de photographe, qui après une implantation en douceur, surtout dans les grandes villes (autour de 1860-1870), s’impose dès les années 1885-1890, avec un fort développement autour de 1900, tant en milieu urbain que rural.
Les collections du musée de Bretagne comprennent aussi :
– trois fonds de photographies aériennes, ces images nous font survoler les paysages bretons de la fin des années 1940 jusqu’au début des années 1980 et offrent un panorama significatif des changements intervenus en terme de paysage, d’urbanisme, d’aménagement du territoire au sens large.

– un fonds de photographie contemporaine : des « artistes photographes » (photographes humanistes), dont les images témoignent d’une région en plein bouleversement et qui associent qualité plastique et qualité documentaire.

– un fonds lié à l’Affaire Dreyfus : les scènes du procès et personnages principaux constituent l’essentiel de ce fonds. Les photographes présents sont Nadar, Eugène Pirou, Aaron Gerschel.

Conserver
Pour mener à bien les taches de conservation, il faut des lieux équipés, du personnel qualifié, utiliser des matériaux adaptés et appliquer des techniques appropriées.
Le musée de Bretagne dispose de réserves spécifiques dédiées aux négatifs photographiques, les tirages étant quant à eux conservés dans la réserve des collections d’arts graphiques.

Un atelier de conservation-restauration des collections d’arts graphiques intégré au musée, permet d’assurer avec constance et régularité le dépoussiérage, le conditionnement des négatifs et des épreuves (aide des amis du musée), ainsi que leur restauration si nécessaire puisque dans ce local interviennent régulièrement des restaurateurs spécialisés, dont des restaurateurs de photographies. Equipé d’un studio de prises de vues argentiques et numériques ainsi que d’un laboratoire de développement, le musée est partiellement autonome dans le domaine de la prise de vue et de la numérisation, mais depuis plusieurs années une société privée œuvre à la numérisation des négatifs photographiques en appui au travail du photographe.
Une partie du fonds photographique est actuellement présente dans notre base de données qui comprend au total, en septembre 2019, plus de 350 000 notices d’inventaire intégrant toute la diversité des collections énoncées précédemment. Si l’ensemble des tirages est désormais inventorié, le travail restant à faire demeure conséquent pour les négatifs.
Diffuser
La photographie au musée a été mise en valeur par le biais d’expositions consacrées à Raphaël Binet, Anne Catherine, Constant Puyo ou Joseph Piot, une exposition rétrospective a eu lieu en 2012, intitulée Reflets de Bretagne. A la suite de cette exposition est née une collection de petits ouvrages thématiques ou biographiques. Par ailleurs, la photographie est très présente à travers toutes les expositions du musée : quelle que soit la thématique, elle y occupe toujours une place de choix. Les fonds photographiques sont constamment sollicités par des éditeurs, auteurs, journalistes, collectionneurs ou simples particuliers, ces fonds sont parmi les plus actifs de toutes nos collections.
Le portail des collections inauguré en2017 fait la part belle à la photographie et va continuer à s’enrichir, il permet également un nouveau type d’échanges avec le public.
Laurence Prod’homme
Octobre 2019
Pour aller plus loin, podcastez la journée d’étude De la conservation à la valorisation, rencontres autour du patrimoine photographique qui a eut lieu au musée de Bretagne en 2018 : http://www.collections.musee-bretagne.fr/ark:/83011/FLMo12907
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