Les collections relatives à l’Affaire Dreyfus au musée de Bretagne

Origine, constitution et valorisation

Les premières collections rassemblées sont contemporaines du procès de Rennes. Le musée des beaux-arts et d’archéologie de Rennes était situé dans le périmètre très rapproché de la salle du procès, l’entrée du public se faisait rue de Toullier, à l’arrière du bâtiment abritant le musée. Lucien Decombe, alors conservateur du musée de Rennes, collecte un embryon de collections. Il rassemble une centaine de pièces, dont des périodiques comme l’Illustration ou encore les cartes postales éditées par le libraire rennais Warnet-Lefèvre, mais aussi des photographies, des brochures comme La lettre à la jeunesse d’Émile Zola.

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Le colonel Jouaust sortant du lycée, éditions Warnet-Lefèvre, Rennes, vers 1899 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

Pendant près de 75 ans cette collection n’a été ni enrichie, ni exploitée.

En 1973, le musée de Rennes organise une exposition intitulée L’Affaire Dreyfus, une affaire toujours actuelle : cette exposition a été montée grâce à des prêts et à des reproductions photographiques de documents originaux conservées à la bibliothèque historique de la ville de Paris, à la bibliothèque nationale ou aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, et en utilisant également le fonds existant.

Cette exposition est à la base des échanges qui vont se nouer entre la famille Dreyfus et le musée de Rennes, devenu entre temps et pour partie le musée de Bretagne.

Ces relations vont se concrétiser en 1978 par la donation de Jeanne Lévy, fille de Lucie et Alfred Dreyfus, d’un ensemble conséquent comprenant près de 4500 pièces.

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Portrait de Joseph Reinach, don de Jeanne Lévy – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

La même année France Beck, petite fille de Mathieu Dreyfus inaugure par le don de quelques documents, les nombreuses donations qu’elle versera au musée de Bretagne jusqu’en 1992 (neuf au total).

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Portrait de Mathieu et Alfred Dreyfus, don de France Beck – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

La fin des années 1970 et le début des années 1980 seront ponctuées de dons de la famille Dreyfus, en plus de ceux déjà énoncés (Jeanne Lévy, France Beck), citons aussi Mme Zivy, nièce de Mathieu Dreyfus ; ou encore l’historien américain Michael Burns, proche de certains membres de la famille.

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Lettre d’Alfred Dreyfus au couple Valabrègue, Rennes, 8 juillet 1899, don de Michael Burns – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne

En 1978, le musée de Bretagne monte une exposition itinérante qui circule dans toute la France pendant plus de dix ans, et préfigure le projet d’exposition permanente consacrée à l’Affaire Dreyfus. La mairie de Rennes, dont dépend alors le musée de Bretagne, s’est engagée à travers la personne d’Edmond Hervé à ouvrir une salle d’exposition dédiée à l’Affaire Dreyfus.

Si les dons occupent une place prépondérante dans la constitution du fonds Dreyfus du musée de Bretagne, des achats réguliers et nombreux sont venus compléter cette collection. En 1980 par exemple le musée acquiert auprès d’un collectionneur plus de 2000 pièces.

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Scène d’audience pendant le procès, dessinateur inconnu, Rennes, 1899 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne

En plus des expositions de 1973 et 1978 déjà évoquées, la ville de Rennes (Direction de l’information) en lien avec le musée de Bretagne organise, en 1994, une exposition présentée à l’Hôtel de ville et intitulée : L’Affaire Dreyfus, l’arme du dessin (dessin et caricatures). En 1999, une autre exposition présentée au musée de Bretagne : L’Affaire Dreyfus, un long combat contre l’injustice, donne lieu à la publication d’une petite plaquette et est associée à un parcours à travers la ville, grâce à des panneaux illustrés et commentés disposés à proximité des lieux symboliques du procès en 1899.

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Parcours Dreyfus à travers la ville, Rennes, 1999 – Cliché A. Amet, CC BY SA – Photothèque musée de Bretagne

L’association des amis du musée organise en parallèle aux expositions, des cycles de conférence sur l’Affaire.

La collection conservée au musée de Bretagne

Elle compte, en 2019, plus de 7000 documents hors périodiques et quotidiens (si inclus plus de 8000), il s’agit à 98% de collections iconographiques, les objets sont relativement rares.

De grandes catégories peuvent aisément se détacher : cartes postales, affiches, photographies, estampes, dessins, correspondance…

Cartes postales :

1562 cartes postales relatives à l’Affaire sont conservées au musée de Bretagne. Le fonds, sans être exhaustif, est bien représentatif de ce moyen d’expression, qu’il s’agisse des éditions française ou étrangères (allemandes ou italiennes en particulier), ou encore des séries illustrées (Orens ou Bobb) aux tirages limités. Une série est à signaler néanmoins, il s’agit de cartes postales adressées au cartophile Émile Strauss par Couturier, auteur de la série Histoire d’un crime, qui comporte dans le cas présent des annotations personnelles ou de petits dessins supplémentaires.

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Carte de correspondance adressée à Émile Strauss par Édouard Couturier, 1898 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne

Photographies :

433 images photographiques, tirages d’époque, négatifs ou positifs sur verre, contretypes. L’ensemble concerne majoritairement  le procès de Rennes. Aux côtés des photographies de Gribayedoff ou Gerschel, photographes officiels du procès de Rennes, qui ont laissé des portraits individuels ou des portraits de groupe des principaux acteurs de l’Affaire, nous conservons aussi deux beaux albums, l’un venant de la famille Hadamard, 205 images, toutes légendées, et un autre album celui du journaliste Charles Chincholle qui retrace à travers les photographies de Léon Bouët et des coupures de presse qu’il a collectées, le procès de Rennes.

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Audience du conseil de guerre de Rennes, Valerin Gribayedoff, Rennes, 9 septembre 1899 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

Le musée de Bretagne, grâce à Jeanne Lévy, conserve et expose deux portraits photographiques des parents d’Alfred Dreyfus, ainsi que des images plus surprenantes de la voyante Léonie, ou encore de très beaux portraits (grands tirages), de Maîtres Labori et Demange, Joseph Reinach ou encore Émile Zola.

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La voyante Léonie, fin 19e siècle – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

Dessins :

Bien que moins nombreux que les photographies, on compte 175 dessins dans le fonds du musée de Bretagne, concernant l’Affaire Dreyfus. Comme pour les photographies, il s’agit essentiellement de dessins du procès de Rennes.

Deux genres sont présents dans nos collections : le dessin de presse (témoignages) et la caricature. On peut noter 32 dessins de Couturier de 1899, trois superbes dessins de Louis Sabattier, un dessin de Ibels « La vérité », 116 dessins à l’encre d’Alfred Le Petit, 6 dessins de Julio publiés dans la Réforme de Bruxelles, deux autres dessins de Ibels achetés durant l’été 2019…

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La vérité, Henri-Gabriel Ibels, 1898 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne

Estampes :

Les très belles lithographies de Charles-Paul Renouard, conservées en deux et parfois trois exemplaires en fonctions des dons, constituent le cœur de cette collection. Nous conservons les planches illustrant le procès de Rennes, mais également 61 planches du procès Zola.

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Procès Zola, suite des gestes de Maître Labori, Charles-Paul Renouard, 1898 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

Affiches :

Une petite soixantaine d’affiches est conservées au musée de Bretagne, dont la terrible série du musée des horreurs de Lepneveu, ou les célèbres affiches Dreyfus est innocent, Dreyfus est un traitre.

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Dreyfus est innocent, imprimerie E. Charaire, Sceaux, 1898-1899 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne

Des affiches de cinéma ont été acquises plus récemment, dont deux illustrent des productions américaines, l’une de 1937, l’autre de 1956.

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L’Affaire Dreyfus, Jean Boullet, 1956 – Tous droits réservés – Collections musée de Bretagne

Petite édition :

Images populaires, chansons sur feuilles volantes, tracts, cartes à système, cartes publicitaires… On est saisi par la violence de cette « petite édition » qui sert de véhicule à une propagande acharnée contre Dreyfus, dans laquelle Zola occupe une place de choix. Acquise en 2013, on trouve aussi la carte de presse d’un journaliste présent à Rennes durant le procès.

Périodiques : 

225 titres sont actuellement présents dans les collections du musée de Bretagne autour de l’Affaire.

Il ne s’agit pas systématiquement de séries complètes sur plusieurs années, bien que certains titres courent avec régularité sur deux ou trois ans.

La période d’édition s’étend de 1894 à 1904 avec une plus grande concentration sur 1898 et 1899.

Quelques titres : Le Petit Parisien, Le Petit journal, Le Sifflet, L’Aurore, La Silhouette, Le Journal illustré, Psst !, La Libre parole, Le Rire, Le Pilori, L’Illustration, etc. La presse régionale est relativement absente du fonds, la presse étrangère représentée par quelques titres (Lustige Blätter, The Graphic, Nuevo Mundo).

L’ensemble permet d’apprécier l’engagement majoritairement anti-dreyfusard de la presse française.

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Le Pilori, édition du 24 avril 1898 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

Correspondance :

C’est la partie la plus originale du fonds, cette correspondance provient essentiellement de la donation Jeanne Lévy. Il s’agit en grande majorité de témoignages de sympathie en provenance de France et du monde entier, à l’exception de l’Asie peu représentée.

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Lettre de soutien à Lucie Dreyfus, Londres, 1900 – Marque du domaine public – Collections musée de Bretagne, Rennes

Des collections moins importantes numériquement proviennent de la famille Scheurer et de la famille Valabrègue.

Entre correspondance et journal intime, 13 recueils composés par Félix Froissart, magistrat engagé aux côtés de Dreyfus ont été donnés par ses petits-enfants en 2016 (ils regroupent des échanges de lettres, des articles de journaux, des analyses personnelles de Froissart)

Objets :

Ces collections se comptent par dizaine, on peut signaler des médailles et épinglettes, un pot à tabac à l’effigie supposée du capitaine Dreyfus, une série de six marionnettes évoquant les personnages clés de l’Affaire, la statuette en modèle réduit de Tim, et de format plus imposant la statue d’Igael Tumarkin (don de 1990, en vue d’une présentation permanente). Deux cannes à pommeau antisémite ont été acquises en 2007 et 2012, ainsi qu’une assiette contre Zola en 2008.

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Assiette de la faïencerie HB, Quimper, fin 19e siècle – Cliché A. Amet, CC0 – Collections musée de Bretagne, Rennes

Ouvrages :

Livres, brochures et plaquettes ne figurent pas dans les collections du musée mais dans celle de notre bibliothèque. 394 livres ou brochures sont catalogués.

Sur ce total, 160 sont contemporains de l’Affaire, les éditions les plus anciennes datent de 1896. Parmi ces ouvrages, on rencontre des témoignages de Dreyfus ou des membres de sa famille, des documents officiels de la cour de cassation, des journaux et brochures de l’époque, des écrits de personnes impliquées dans l’Affaire. Le reste des publications sont des ouvrages historiques d’auteurs contemporains, ce fonds est régulièrement enrichi de nouvelles publications.

Laurence Prod’homme

Octobre 2019