Dans la seconde moitié du 19e siècle, tandis que la photographie se développe, le goût pour la couleur se répand : multiplication des chromolithographies, succès des verres Tiffany, réalisation de monumentaux décors en mosaïque en sont des signes. En photographie, des essais sont réalisés dès la fin des années 1860, mais il faut attendre le début du 20e siècle pour qu’un procédé de prise de vue en couleurs naturelles – très différent des photographies en noir et blanc réhaussées de couleurs « artificielles » à l’huile – soit mis au point. Les frères Louis et Auguste Lumière déposent un brevet d’invention du « procédé de photographie en couleur » en 1903. Quatre années sont ensuite nécessaires pour passer du concept à la production industrielle de plaques de verre prêtes à l’emploi : les premières plaques Autochrome sont commercialisées en 1907 en France. Le principe peut paraître surprenant car la couleur est obtenue grâce une très fine couche de fécule de pomme de terre teintée, placée entre la plaque de verre et une émulsion photosensible classique… Mais le résultat est là. Pour la première fois on peut, en quelques secondes, réaliser ce que seuls permettaient les arts graphiques jusque là : reproduire le monde en couleurs.

Ce procédé, révolutionnaire, a paradoxalement un désavantage : le temps de pose est plus long, le filtre coloré freinant la lumière. En découle une iconographie particulière : pas de scènes de travail mais des personnages légèrement figés, retenant l’attention pour leurs tenues chatoyantes, des paysages, et beaucoup de natures mortes qui, au temps de la monochromie, présentaient un intérêt moindre pour les photographes.

La nature même de la plaque Autochrome en réserve l’usage à certaines catégories de la population. Il s’agit d’une image positive en couleur sur plaque de verre non reproductible ; on ne peut en obtenir d’épreuves sauf à recourir à la gravure et à l’impression. On la contemple uniquement par transparence ou par le biais d’un stéréoscope ou d’une lanterne. Ce n’est donc pas un objet que l’on retrouve dans le foyer de tout un chacun, à l’instar des portraits sur photo-cartes réalisés dans les ateliers de photographie locaux ; cette technique est celles de photographes amateurs aisés et de reporters-photographes qui vendent leurs images à la presse qui édite les premiers reportages-photos en couleur.

Au début des années 1930, Filmcolor, un équivalent sur film souple est commercialisé. La lourde et fragile plaque Autochrome est abandonnée peu à peu.
Les collections du musée de Bretagne comprennent plus de 300 plaques Autochrome. Elles couvrent toute la période de commercialisation du procédé et en montrent les thèmes de prédilection : natures mortes de Gustave Gain, paysages animés de Marcel Fleureau, Léon Dalibot, René Crétois ou de talentueux anonymes. Les couleurs de la nature, des costumes traditionnels, des coques et des voiles de bateaux attirent particulièrement l’œil. Elles jouent désormais un rôle central dans la composition de l’image, l’auteur cherchant le détail coloré qui donnera le relief attendu à sa photographie, à la manière d’un peintre…

Fabienne Martin-Adam
Extrait de Reflets de Bretagne, Les collections photographiques du musée de Bretagne, éditions Fage, Lyon, 2012.
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