Le musée de Bretagne conserve plus de 600 000 documents iconographies : négatifs ou tirages photographiques, dessins qui sont parfois devenus muets au fil des années. Les informations sur leur contexte de création ne sont pas arrivées jusqu’à nous, et on ne reconnaît plus les lieux ni les visages… L’équipe « inventaire et documentation des collections », happée par la gestion courante des collections – acquisitions, inventaire, récolement, etc. -, n’a hélas pas toujours le temps suffisant pour effectuer des recherches très chronophages et qui pourraient s’avérer vaines.
C’est pourquoi depuis plusieurs années maintenant, nous faisons appel à l’œil et aux connaissances des internautes. Par le biais d’un parcours thématique en ligne sur le portail des collections, ils peuvent consulter et enrichir quelques centaines de notices, et retrouver les énigmes résolues par les contributeurs.
Aujourd’hui, ils sont une centaine à nous laisser régulièrement des commentaires – qui un lieu, un nom de personne ou une identification de coiffe – qui sont ensuite vérifiés par l’équipe du musée, et intégrés aux notices afin que chacun bénéficie de ce supplément d’information. Près de 1 000 images ont ainsi été documentées en moins de trois ans.
Parmi elles, le fonds des frères Géniaux a été particulièrement concerné : 50 images ont été localisées par nos contributeurs. Pour l’une d’entre elles, c’est même la famille représentée qui a été identifiée. On sait désormais que sur le char à banc ci-dessous, c’est Julien Kerviche et ses enfants, habitants de Berric (Morbihan), qui se rendent au marché vers 1893-1894. Un de ses descendantes a pu nous transmettre des informations qui complètent notre dossier documentaire sur cette image, et que nous n’aurions jamais pu réunir sans son aide.

Autre exemple passionnant, celui de cette image du mur des disparus de Ploubazlanec. Un fidèle contributeur a localisé cette image et est allé jusqu’à faire des recherches sur l’homme dont la sépulture est représentée : Yves Simon, marin disparu en mer en 1891, au cours d’une campagne de pêche en mer d’Islande. On sait désormais qu’il a péri à bord de la goélette Agile dans le golfe de Gascogne le 10 novembre 1891, et que cette goélette effectuait le transport de la morue.

Si le bénéfice pour le musée et les usagers est évident, dans la configuration actuelle – taille de l’équipe du musée et temps nécessaire aux opérations de contrôle de l’indexation -, le musée de Bretagne ne peut s’engager dans une démarche collaborative de plus grande ampleur.
En 2020, le musée s’engage donc aux côtés de la bibliothèque nationale de France, des archives nationales et des sociétés Teklia et Decalog, dans le cadre d’un appel à projet à services numériques innovants lancé par le ministère de la culture : il participe au projet de Captcha pour l’indexation collaborative qui apparaît comme une solution pertinente pour passer à la vitesse supérieure. Les indexations de type « mots-clés » proposées par les contributeurs sur des corpus d’images récemment numérisés seront soumises à la validation d’internautes par le biais de Captcha. Ce captcha « patrimonial » permettrait donc d’enrichir la documentation de collections publiques accessibles à tous. En découle un gain pour l’institution, mais avant tout un gain pour tous : les collections, Marque du domaine publique ou sous licence creative commons, réutilisables sans demande d’autorisation préalable, sont ainsi mieux indexées, plus facilement repérables par tout à chacun souhaitant accéder à cette ressource. Ce projet s’inscrit donc dans la continuité de la démarche d’innovation et de coopération atour des collections initiée au musée en 2017, que nous souhaitons amplifier dès que possible.

Fabienne Martin-Adam
Juin 2020.
Ping : « Des collections en partage », quand la notion de « commun » entre au musée – Musée dévoilé