L’hôtel de Paris est situé au cœur de Lorient, place Alsace Lorraine. Il a fermé ses portes en 1999 après 68 ans aux mains de la même famille. Les deux fondateurs, Jean-Marie et Alphonsine Mahé achètent en 1913 leur premier café à Dinard ; au fil des ans, ils revendent et achètent plusieurs cafés jusqu’à leur premier hôtel à Saint-Malo en 1927, et arrivent à Lorient en 1931 à la tête du Café de Paris. C’est un grand établissement, plutôt chic, qui offre café et brasserie, et dispose également de 12 chambres, il sera détruit en 1943 durant les bombardements de Lorient.
En mars 1953 l’Hôtel de Paris reconstruit, ouvre partiellement et sera totalement achevé en juillet 1958. L’hôtel dispose de 21 chambres, il est décoré et meublé au gout des années 1950. Aucune modification d’importance n’a été apportée entre 1953 et la date de la fermeture : mobilier, papiers peints, sanitaires sont conservés.

Le musée de Bretagne a collecté une unité ethnographique autour de cet hôtel lorientais se décomposant en deux axes : le mobilier complet de deux chambres, ainsi que des objets ou accessoires essentiels au fonctionnement de l’hôtel, et ensemble de vêtements d’autre part. Un reportage photographique, des métrés et une collecte de mémoire orale auprès de la fille de la dernière propriétaire ont été effectués.

L’ensemble collecté comprend du mobilier, des objets et des fournitures acquis par l’Hôtel de Paris à Lorient entre 1953 et 1959. L’hôtel a fermé définitivement ses portes en 1999, après des années d’ouverture sporadique, essentiellement l’été : aucune modification d’importance n’a été apportée entre 1953 et la date de la fermeture. L’organisation générale de l’hôtel est demeurée la même depuis les années 1950, le mobilier a été conservé, les papiers peints n’ont pas été changés, les sanitaires pas améliorés. Une seule amélioration a été apportée afin de conserver l’étoile attribuée à l’hôtel, l’ouverture d’un petit salon avec un seul poste de télévision à la fin des années 1970.

Cet ensemble est enrichi d’une documentation contextuelle impressionnante, de documents d’archives, de courriers, de correspondance professionnelle, de factures, de photographies… les générations qui s’y sont succédé ayant « tout » conservé. Une partie de cette documentation a déjà été versée aux archives municipales de Lorient
L’existence de cet établissement est indissociable de l’histoire de la famille qui en était propriétaire. Comme fréquemment dans les secteurs professionnels liés au commerce, la transmission d’une génération à l’autre d’un bien et d’un métier, crée un lien fondamental qui assure la pérennité de l’établissement. Chaque génération pose son empreinte et transmet la charge à la génération suivante, et tant qu’il n’y a ni rupture familiale, ni rupture sociétale, le principe perdure et s’adapte.
A travers le récit que la donatrice fait de cette histoire familiale, récit augmenté de documents d’archives, de fortes personnalités marquent chaque génération.
Jean Marie Mahé (1886-1965) est le premier de cette dynastie : fils de laboureurs originaire de Loire-Atlantique, il quitte très jeune sa famille pour aller travailler comme journalier dans les fermes, puis est embauché dans un café comme garçon limonadier ; en 1912 il épouse Alphonsine Buchon (1892-1975) originaire des Côtes-du-Nord.

Tous les deux sont les fondateurs, ils achètent en 1913 leur premier café, le Café des garages, 6 rue Saint-Enogat à Dinard.
Six ans plus tard ils revendent ce commerce pour en acquérir un second, le Bar du centre à Saint-Malo, qu’ils cèdent à nouveau très vite en 1920 pour faire l’acquisition de la Brasserie des trois villes, toujours à Saint-Malo.
En 1927, ils achètent leur premier hôtel, l’Hôtel des terrasses, avenue Henri Martin, encore à Saint-Malo.
En 1931, ils partent pour Lorient et prennent la tête du Café de Paris à l’emplacement de l’actuel hôtel ; c’est un établissement très grand et plutôt chic, qui offre café et brasserie, et dispose également de 12 chambres meublées. Monsieur Mahé, en costume et nœud papillon, dirige, surveille et gère les stocks ; son épouse, ses deux enfants, Jean et Janine, deux garçons de café, une serveuse et une femme de ménage composent l’ensemble du personnel. Le 26 janvier 1943 l’immeuble est détruit sous les bombardements.

De mars 1946 à décembre 1952, ils occupent comme locataire, un local temporaire, et le Café de Paris déménage au 2 place Clémenceau à Lorient : le lieu fait à la fois café, restaurant et orchestre, il accueille des bals.
En mars 1953, l’Hôtel de Paris reconstruit, ouvre partiellement avec ses deux premiers étages, au 7 place Alsace Lorraine ; cinq ans plus tard en juillet 1958, les troisième et quatrième étages accueillent leurs premiers clients. L’immeuble est reconstruit sur les plans de l’architecte Maurice Baduel du Cabinet Nabat, rue Victor Massé à Lorient. L’hôtel dispose de 21 chambres dont la surface moyenne est de 14 m², auxquels il faut ajouter environ 4 m² pour le cabinet de toilette ; l’hôtel propose seulement le petit-déjeuner. Monsieur Mahé, âgé de 67 ans, préfère ne pas reprendre l’activité « café » et décide de louer l’espace du rez-de-chaussée, qui accueillera dans un premier temps un magasin de meubles, puis jusqu’à aujourd’hui, une boutique de chaussures.
Après le décès de son époux, en 1965, Alphonsine poursuit l’exploitation de l’établissement jusqu’en 1972 avec l’aide de sa fille Janine (1924-2016), qui reprendra les rênes en 1973 jusqu’en 1998, avec seulement l’aide d’une femme de ménage.
Le mobilier des deux premiers étages, acquis en 1953 est acheté au Centre d’Achat pour les Hôtels et Administrations CAHA, Au Bon Marché à Paris. Les meubles de la cuisine sont fabriqués et installés par l’entreprise Trémoureux de Lorient, le linge est fourni par la Maison Abadie Frères à Paris.

En 1959, le mobilier destiné à meubler les chambres des deux derniers étages, ainsi que les rideaux, est commandé chez Dreux Meubles, rue maréchal Foch à Lorient.

Les chambres sont équipées soit d’un grand lit seul, soit d’un grand et d’un petit lit, d’une armoire, d’une table de nuit, d’une petite table, d’une ou deux chaises et d’un support à bagages ; dans chaque chambre tout le mobilier est coordonné, couleur acajou, frêne ou chêne clair, vernis au tampon (les factures de ces meubles sont disponibles).

Les archives autour du fonctionnement de l’établissement sont riches et très nombreuses : ont notamment été conservés les registres des clients de 1953 à 1975, date à laquelle cette obligation légale a disparu. Ces registres sont une source de connaissance extraordinaire, puisqu’ils contiennent les noms et prénoms des clients, leur date de naissance, leur ville et pays d’origine, leur profession, la durée du séjour, la raison de ce dernier, etc…. La donatrice dispose également des différents plans de l’hôtel, des factures de très nombreux éléments liés au fonctionnement de l’établissement, de photographies.
Ensemble vestimentaire
L’hôtel de Paris disposait de logements réservés à la famille Mahé-Hacquart, les grands-parents, mais leurs enfants et petit-enfants, y ont aussi vécu à diverses périodes, chacun leur tour ou ensemble.
Depuis les années 1950, tout est resté en place, décor, vêtements, linge de maison, vaisselle, etc. Et comme pour le fonctionnement de l’hôtel, beaucoup de factures, modes d’emploi, photographies permettent d’attester de la date de fabrication ou d’achat, du lieu d’acquisition des différents items.
Famille aisée, les gardes robes aussi bien celles des adultes que celles des enfants, témoignent du soin apporté à la façon de se vêtir, et d’un goût certain pour la mode : madame Janine Mahé, la mère de la donatrice, en est la meilleure représentante, toutes ses tenues étaient réalisées par une couturière lorientaise (factures conservées), de nombreuses photographies la représentent élégante et distinguée, sachant parfaitement se mettre en scène ainsi vêtue.

En fonction des manques dans les collections textiles déjà conservées au musée de Bretagne, une sélection a été faite à travers des très nombreuses gardes robes de la famille, à partir des axes suivants :
- sous-vêtements d’homme et de femmes
- vêtements de travail
- vêtements de bébé et d’enfants années 1950-1960.
- garde-robe de Janine Mahé comme témoin de l’élégance féminine d’une famille bourgeoise lorientaise des années 1960.
- chaussures des années 1940
Les grands principes scientifiques relatifs aux axes d’acquisition énoncés dans le Projet scientifique et culturel du musée de Bretagne, ainsi que la méthode, se croisent tous ici à travers ce projet : sujet d’anthropologie culturelle, sur le territoire de la Bretagne et concernant une période historique plus récente et peu présente à travers les collections matérielles. Cet collecte de terrain a permis d’acquérir des items absents du marché traditionnel et qui disposent dans le cas présent, d’une documentation remarquable assurant une contextualisation exceptionnelle
Laurence Prod’homme.
Février 2021.
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