Les faïenceries rennaises, une nouvelle acquisition

Aux 18e et 19e siècles, la ville de Rennes compte des faïenceries de renommée locale, dont certaines pièces sont aujourd’hui conservées au musée de Bretagne. Cette production est malheureusement mal connue, faute d’analyses de pâtes en laboratoire qui permettrait d’attester avec plus de certitude une origine commune pour ces objets, signés ou non. Les attributions se basent donc principalement sur une étude stylistique. Depuis la publication de Lucien Decombe (1834-1905), archéologue, conservateur du musée archéologique de Rennes et membre de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, qui reprenait l’étude des récipients amassés par Auguste André, conservateur à l’origine des collections du musée, les anciennes faïenceries rennaises n’ont guère été étudiées. La production serait attestée dès le 17e siècle. Mais quelques informations existent davantage concernant la manufacture du Pavé Saint-Laurent (1748-1870), fondée par Dubois de la Vrillière, située au début de la rue d’Antrain, au nord de la ville, bénéficiant de voies d’accès importantes et de la proximité d’une section navigable de l’Ille pour l’acheminement des matières premières. En 1748, la nomination de l’Italien Jean Forasassi, dit Barberino, comme premier manufacturier officiel de la ville de Rennes, apparaît dans les archives. Puis un des principaux faïenciers de la manufacture fut Jean-Baptiste Alexis Bourgouin (1734-après 1790), originaire de Rouen.

Son activité souffre toutefois d’un manque de reconnaissance : les propriétaires successifs vont chercher à obtenir un statut de manufacture royale et des aides financières de la ville, sans succès avant 1763, les productions étant jugées trop médiocres. De plus, avant que la décision ne soit prise d’avoir recours à des terres locales tout à fait appropriées, la faïencerie réalise ses productions en important à grands frais des terres bordelaises ou nivernaises, qui grèvent le budget de l’entreprise. Si la faïence artistique est assez reconnue, c’est surtout à la vaisselle modeste (faïence ménagère) que la manufacture doit sa subsistance. Connue sous l’appellation de « cul noir » en raison du recours constant au violet de manganèse, celle-ci est vantée pour sa qualité et ses propriétés culinaires. Il est difficile d’estimer l’état de la commercialisation et les débouchés des productions rennaises, tout au moins pour les pièces décorées, car les productions plus simples s’écoulent sur le marché local, comme le prouvent les découvertes régulières de ces récipients lors des interventions archéologiques menées à Rennes.

Au cours du 19e siècle, la manufacture du pavé Saint-Laurent compte plusieurs espaces d’ateliers, des magasins pour une commercialisation directe. Une de ses spécialités est la réalisation de pots de fleur, dans la tradition des productions antérieures où jardinières décorées et vases de jardin étaient déjà en bonne place. Elle est en activité jusqu’en 1887 et les bâtiments sont détruits en 1900.

Vase décoratif, Jean-Baptiste Alexis Bourgoin, manufacture du pavé Saint-Laurent, Rennes, 1776 – CC0 – Cliché A. Amet, collection musée de Bretagne, Rennes

La manufacture de la rue Hüe fonctionne de 1749 à 1790, fondée par François-Alexandre Tutrel, située entre le début de la rue de Paris (rue Hüe) et l’avenue Aristide Briand. On repère à cette époque quelques rares signatures de peintres : Michel Derennes dans les années 1770,  Jean Baron (1763-1772) ou Hirel de Choisy (1767-1770).

Une autre manufacture fut installée au Bourg-l’Evêque en 1751 (lieu où une première faïencerie au 17e siècle, celle des Montigny, avait été en activité).

La première faïence rennaise utilisa de manière caractéristique le jaune d’oxyde d’urane, puis après 1748 le bleu cobalt, le noir, le vert sombre, le rouge tirant sur le brun et surtout le violet de manganèse, souvent en camaïeux. La plupart des manufactures produisirent au 18e siècle des statuettes de vierges et de saints, fontaines, vases de pharmacie, assiettes, plats, écritoires comme celui signé par Bourgoin en 1763 et conservé à Sèvres (MNC 8290), ou celui d’Hirel de Choisy de 1767 conservé au musée de Bretagne.

Encrier, Cyprien-Julien Hirel de Choisy, Rennes, 1767 – CC0 – Cliché A. Amet, collection musée de Bretagne, Rennes

Le musée de Bretagne possède également un très rare réchaud à braises. Les décors sont assez proches de ceux pratiqués à Rouen, Moustiers ou Marseille, d’où la difficulté à pouvoir attribuer avec certitude les pièces à tel ou tel lieu de production. Les motifs floraux (rose, clématite, marguerite) polychromes ou en camaïeu furent abondamment représentés.

La faïence rennaise demeure difficilement caractérisable. Elle eut fréquemment recours à des terres importées de toute la France, utilisées aux côtés des argiles locales. Les décors sont souvent l’œuvre de peintres céramistes débauchés dans les autres centres de production (Italie, Normandie et Provence), qui continuent à reproduire des motifs à la mode ailleurs, comme les paniers de fleurs. Enfin, en dehors de quelques pièces remarquables, peu de récipients sont malheureusement signés.

Il est fréquemment admis que l’invasion des faïences d’Angleterre à partir de 1786 ruinèrent les productions locales.

Le plat ovale ci-dessous vient d’être acquis par le musée de Bretagne afin d’enrichir la collection de faïences de Rennes. Il présente des similitudes importantes (rose, groupe de feuilles et tulipe jetée) avec une assiette du musée national de Sèvres (MNC9022) produite à Rennes, attribuée à la manufacture du Pavé Saint-Laurent.

Plat attribué à la manufacture du Pavé Saint-Laurent, vers 1770 – CC0 – Collection musée de Bretagne, Rennes

Manon Six.

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