Nous vivons dans un monde d’images. Elles sont affranchies des barrières linguistiques, elles expriment vite et avec force, elles accrochent tous les regards. Elles ont les vertus d’un langage universel à la compréhension quasi-immédiate, mais également les vices d’un outil privilégié pour les manipulations en tout genre. Le pouvoir de l’image et son statut sont aujourd’hui bien reconnus et font l’objet de nombreux travaux scientifiques à la croisée de l’histoire et de l’anthropologie. Ces recherches permettent, entre autres, de savoir d’où viennent les images et quel est leur impact sur nos idées, nos opinions, notre vision du monde.
Le Musée de Bretagne vous propose une série d’articles dans son blog Musée Dévoilé pour découvrir l’histoire et la signification de certaines images de ses collections ayant pour sujet la Bretagne.

Un couple sur un trottoir est en train de choisir des cartes postales sur le présentoir d’une boutique de souvenirs à Rennes : malheureusement la petite histoire ne nous dit pas celles qu’ils ont choisies, donc quelles images caractérisent alors, pour eux, la Bretagne.
Comprendre la Bretagne d’hier et décrypter celle d’aujourd’hui
Le Musée de Bretagne est un musée d’histoire et de société. Cette appellation désigne les musées qui ne sont pas centrés sur les beaux-arts mais dépoussièrent tout ce qui tourne autour de l’ethnologie, s’intéressent tant aux sociétés passées qu’aux phénomènes contemporains. Et quoi de plus parlant pour comprendre la Bretagne d’hier et celle d’aujourd’hui que l’image ? Confucius l’a bien dit : une image vaut mille mots !

Même sans le slogan qui l’accompagne, cette conserve de sardines à l’huile plantée d’un clou, référence à la crucifixion, est plus que parlante quand on connaît la place de la pêche et de l’industrie alimentaire dans l’histoire de la Bretagne. Durant les années 1970, surgélation, congélation et délocalisation portent un coup sévère à la conserverie traditionnelle bretonne. Des usines ferment, des emplois sont détruits, un savoir-faire disparaît avec une culture du travail dont le Musée de Bretagne conserve d’ailleurs des témoignages iconographiques.
Le musée gère des collections généralistes, allant de la préhistoire à nos jours, qui sont nées de saisies révolutionnaires, puis se sont particulièrement étoffées depuis les années 1950, notamment dans les années 1960 et 1970. Ces collections sont aujourd’hui constituées de plus de 700 000 items qui se réfèrent aux cinq départements de la Bretagne historique : Côtes-d’Armor, Finistère, Morbihan, Ille-et-Vilaine et Loire-Atlantique. Une telle ampleur historique et géographique explique leur grande variété et pourquoi elles se répartissent en quatre grandes familles : archéologique, numismatique, ethnographique et iconographique.
Bien sûr, les représentations de la Bretagne ont circulé à travers les objets peints ou gravés, les sceaux, les faïences, les monnaies, etc… Mais affiches, estampes, dessins, peintures, cartes postales, cartes, plans et photographies (tirages et négatifs) constituent la part importante de la mémoire visuelle de la Bretagne.

Les fonds iconographiques se distinguent des autres collections du musée, déjà, par leur nombre, mais surtout par leur grande diversité. Ils irriguent de façon transversale tous les axes abordés par l’établissement.

Beaucoup de documents datent du 19e et du 20e siècles, périodes où se développent plusieurs techniques d’impression sur papier dont certaines ont permis la multiplication vraiment industrielle des images et donc leur grande circulation.

Depuis septembre 2017, une bonne partie des collections du musée de Bretagne est visible sur le portail Des collections en partage.
Image, image, dis-moi qui est la Bretagne…
La série d’articles de La Bretagne par l’image propose d’expliquer quelques-unes des œuvres, certains objets décorés et documents iconographiques, consultables en ligne, qui évoquent un thème intrinsèquement lié à l’imaginaire attaché au territoire breton.
Dans chaque texte, les deux acceptations principales du terme « image » sont mobilisées : la représentation figurée d’une part et la représentation mentale de l’autre, c’est-à-dire l’ensemble des croyances, des idées que se font les observateurs sur ce qu’ils ont sous les yeux. Chaque analyse a pour but de cerner quelques-unes des représentations culturelles qui ont eu et ont toujours un impact sur la manière dont nous percevons ou pensons la Bretagne.

Dans le cadre de la promotion touristique ce sont souvent les documents iconographiques qui sont utilisés pour ériger un territoire en destination et susciter le désir de visite chez le touriste potentiel. Les lieux représentés et le contenu des images choisies pour incarner la province varient sensiblement dans le temps ce qui s’explique par une évolution des stratégies de développement local et une évolution des supports de la communication.
Certaines de ces représentations sont des idées reçues, parfois confinées à la caricature. Ces « clichés bretons » sont pour la plupart nés de la cristallisation de stéréotypes anciens, codifiés au lendemain de la Révolution, au moment où les provinces françaises disparaissent comme entités politiques et qu’elles se constituent comme objets culturels en faisant reconnaître leur histoire, leurs monuments, leurs grands Hommes, leur géographie, leur langue, leur climat, leur culture matérielle et leur mode de vie.
L’image est une chose, la Bretagne en est une autre
Mais s’il est considéré qu’en 1830 les catégories de la description de la Bretagne sont fixées, leur contenu évolue au fil du temps. Les formes données aux représentations de la province, puis de la région, correspondent à des auteurs et à des créateurs, à des techniques et des formes qui ont des incidences sur les perceptions culturelles et sur la circulation des images.

Comment faire comprendre que des petit-pois viennent de Bretagne ? Rien de plus facile que de s’inspirer des paroles « Ils ont des chapeaux ronds, Vivent les Bretons » de la chanson Vive la Bretagne de Théodore Botrel (1868-1925). Ce refrain a diffusé à la fin du 19e siècle, de manière grotesque, l’identifiant le plus systématique pour représenter les Bretons : leur costume. L’image publicitaire prend souvent appui sur des œuvres consacrées : elle puise dans le monde de la culture pour pasticher, parodier ou détourner, le plus souvent avec humour, poèmes et chansons populaires.
Il est important de rappeler que l’image est une construction subjective : sa réalisation nécessite des choix et s’inscrit dans un contexte social, culturel, politique et historique. Les articles de La Bretagne par l’image extraient la part de vérité des images et les recontextualisent. Car n’oublions pas qu’elles peuvent perdre, en partie ou en totalité, leur sens quand elles sont sorties de leur contexte, surtout en l’absence de légende ou de commentaire.

Par ce billet et les cinq autres qui le suivront dans les prochaines semaines, le Musée de Bretagne vous invite à découvrir ce que les images nous disent de la Bretagne et de ses habitants ; pourquoi ces images existent, comment elles ont été construites et par qui ; comment elles utilisent la force évocatrice de la Bretagne et quel est leur impact sur la perception de la région.
Bonne lecture ! Lennadenn vat deoc’h !
Sophie Chmura.
Juin 2021.
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