Du 18e au début du 20e siècle, les centres potiers de Malansac, Saint-Jean-la-Poterie et Herbignac diffusent leur production de céramiques dans toute la Bretagne sud et même au-delà.
C’est tout naturellement qu’ils sont, pour Rochefort-en-Terre et ses environs, les principaux fournisseurs.
Ils ne sont pas que concurrents, leurs marchandises étant souvent complémentaires :
- Malansac se spécialise dans les poteries de grandes dimensions et fabrique également de petites poteries à usage domestique mais en modeste quantité en comparaison des centres voisins de Saint-Jean-la-Poterie et Herbignac.
- Saint-Jean-la-Poterie, à cette époque, ne fabrique que des petites pièces. Dans cette production il n’est pas aisé de différencier Saint-Jean de Malansac, les terres utilisées, tout comme les formes, sont souvent similaires.
- Le centre d’Herbignac propose un échantillonnage plus conséquent. Mais la proximité de Malansac et de Saint-Jean-la-Poterie le défavorise vis à vis de l’achalandage local de Rochefort-en-Terre. Toutefois la famille Naël propose sa production dans sa boutique, place du puits, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
L’activité potière de ces trois centres décline dans la seconde moitié du 19e siècle. Elle est victime de la révolution industrielle : l’installation du chemin de fer et la construction d’une gare à Malansac permettent de diffuser en grand nombre des produits d’importation en faïence, grès, fer blanc et fonte.
Le dernier four s’éteint à Malansac dans les années 1920-1930, celui de Saint-Jean à la fin des années 1930… À Herbignac, le dernier potier, Joseph Danilo, résistera jusqu’en 1945.

Les grandes poteries fabriquées à Malansac
Ces grandes pièces étaient fabriquées par les hommes, elles sont souvent décorées de colombins formant des lignes longitudinales et des vagues, quelquefois une croix ou un arbre de vie. Ces bandes sont lissées ou digitées (décor au doigt). Plus rarement, et semble-t-il plus anciennement, on trouve des décors à la molette.

Les poteries architecturales
Même si l’on observe des tuiles faîtières fabriquées à Herbignac, cette spécialité revient à Malansac qui élabore des mitres de cheminée, des épis de faîtages et des tuiles faîtières.
Les pots de cheminée (mitres, mitrons) sont des couronnements extérieurs qui empêchent la pluie et le vent de pénétrer mais n’interdisent pas à la fumée de s’échapper, ils améliorent légèrement le tirage.


La tuile faîtière, placée au sommet d’une toiture, assure l’étanchéité de la jointure de ses deux versants.
L’épi de faîtage, élément d’étanchéité, est posé sur la partie extérieure d’un poinçon à la jonction de plusieurs pans de toiture, ou d’une tour. Il est généralement prétexte à une décoration.
Les pannes et les charniers.
Les pannes sont de grandes cuves dans lesquelles on faisait bouillir le linge. Elles étaient généralement posées à environ quarante centimètres du sol, ce qui permettait de placer une marmite de chauffe devant elles. Dans la panne, les buandières plaçaient le linge en couches intercalées de cendre de bois. Elles passaient ensuite l’eau bouillante de la marmite à la panne au moyen d’une grosse louche et l’évacuation en dessous de la panne renvoyait l’eau directement dans la marmite, produisant ainsi un circuit fermé. La lessive était terminée quand l’eau de la panne sortait aussi chaude que celle qui était dans la marmite. Pour cette opération, la cendre de pommier était la plus recherchée car elle produisait la meilleure « lessive ».

Les charniers (saloirs) sont faits pour stocker le lard à saler.

Les deux sont d’apparence similaire et façonnés avec la même technique. Les pannes mesures de 60 centimètres à 1 mètre de diamètre. Les charniers aux dimensions plus modestes, varient de 40 à 60 centimètres de diamètre et sont fermés par un couvercle d’ardoise, plus solide que la céramique et également moins cher et moins compliqué à réaliser.
Les potiers de Malansac, une technique spécifique : les pannes et les charniers se fabriquaient sans tour.
Propos de Madame LeMale (petite fille de Busson, avant-dernier potier de Malansac) dans les années 1990 :
« Je regardais mon grand père fabriquer des charniers, il les montait en superposant des plaques de terre, puis se servait de deux outils de bois, un dans chaque main, l’un bombé l’autre incurvé, en les tapotant à l’intérieur et l’extérieur du charnier tout en tournant à reculons autour de sa poterie il lui donnait sa forme, ce n’était pas la poterie qui tournait mais c’était le potier ».
-1884, Revue des arts décoratifs. : « J’ai d’abord trouvé à Malansac des vases façonnés sans aucune espèce de tour, vases à conserver des salaisons, que l’on levait au battoir avec un tampon, comme les péruviens des voyages du tour du monde, avec bandes de terre aplaties à la main. »
-1887, La création de l’homme, Henri Du Cleuziou : « Nous avons rencontré en Bretagne, au village de Malansac, dans le département du Morbihan, des potiers qui montaient des jarres à la manière des Chinois, à la façon des hottentots, avec la main, la batte et le tampon, la chose nous à parue si curieuse à constater, en pleine France, en plein 19e siècle.«

Il faut avoir un regard admiratif face à l’exécution de ces poteries, réalisées sans tour, d’une forme quasiment parfaite et qui pour un mètre de diamètre ne sont épaisses que d’un centimètre.
Les Poteries à usage particulier
Le moule à chandelles (abîme)
Pour fabriquer des chandelles plongées, la chandelière devait d’abord façonner des mèches qui étaient faites de plusieurs fils de coton récupérés dans de vieux linges.
Pour que la chandelle possède une bonne combustion, cette torsion ne devait être ni trop dense ni trop lâche. Ensuite ces mèches étaient attachées à égale distance sur une baguette de bois, puis plongées et replongées dans le moule remplis de suif (graisse de bovins ou d’ovins).
Du nombre d’immersions successives dépendait le calibre de la chandelle.

Seule une clientèle aisée et ayant une consommation importante de chandelles de suif ou de cire pouvait posséder un moule à chandelles en terre (château, communauté religieuse). Le commun de la population, se rendait chez la chandelière, qui pouvait en avoir un, ou fabriquait simplement des chandelles de rousine (résine), roulées à la main sur une simple table (voir photo).

Un art dédié au quotidien
ll nous faut comprendre l’importance de la poterie dans la vie de tous les jours. La poterie répondait autrefois à bon nombre des besoins matériels de la vie courante. Ces ustensiles (mis à part les plats à cuire), étaient fabriqués au tour par les femmes. Ils étonnent souvent par leur légèreté, leur élégance, et ils démontrent une grande habileté dans l’exécution.
Du lait au beurre
Le beurre était la valeur ajoutée du lait. Pour bénéficier de cette plus-value, le travail consistait tout d’abord à sortir la crème du lait : il fallait laisser reposer le lait dans des pots à lait, afin que la crème remonte à la surface. La crème était alors recueillie, au moyen d’une cuillère en bois, et battue à la « ribote ». Grâce à cette opération, on obtenait le beurre, séparé du « lait de beurre » (lait ribot, petit lait). Il fallait 25 litres de lait pour faire 1 kg de beurre. Au 19e siècle, ce procédé a apporté un important débouché aux potiers de notre région, puisqu’ils fabriquaient les pots à lait qui constituaient à cette époque leur production principale.

Les pots à lait sont d’une contenance variable, allant d’un litre et demi à six litres. Ils sont placés dans les bancs de foyer, la température de l’âtre facilitant la caille du lait. Comme pour les charniers, leur couvercle est souvent fait d’une ardoise, matériau plus résistant que la terre cuite, et plus rapide à fabriquer. Toutefois, dans les lieux trop éloignés de la production d’ardoise, ces couvercles sont en bois.
Le pot à deum (pot à crème) a la forme d’une buire sans anses avec une ouverture plus évasée et un petit trou à la base, permettant de laisser s’écouler le petit lait.
Les ribotes à beurre produites par nos potiers sont extrêmement rares. On utilisait sans doute des ribotes ou barattes de bois mais après 1864, quand le chemin de fer fut installé, les ribotes de grès inondèrent le marché.
L’eau à la maison
La buire, par contraction, nommée « buie » ou « bue », vient du vieux français « buire », cruche à eau. Le burot, ou buiereau, est aussi une cruche à eau, qui est moins ventrue que la buire.

Les buires et burots, répondent au besoin en eau du logis à savoir des réceptacles permettant le stockage du liquide vital. Cela demande un approvisionnement quotidien, au ruisseau, à la fontaine ou au puits.

En regardant les différents modèles de buires et burots, on peut observer des emplacements différents de l’anse, tantôt placée sur le côté entre la panse et le col de la poterie, tantôt au-dessus du col. Les buires en sont même parfois dépourvues. Ces différentes positions des anses s’expliquent par le mode de portage qui évolue au cour du 19e siècle.
Plus anciennement ces cruches étaient portées sur la tête, l’anse placée alors sur le coté permettait de la poser et de l’attraper plus aisément. Le portage à la main déplaça l’anse au-dessus de goulot. On peut remarquer également des femmes se positionnant à l’intérieur d’un cercle de barrique et tenant à la fois ce cercle et deux buires de chaque côté. Cette pratique leur donnait un bon équilibre, et maintenait les buires à distance du corps, facilitant ainsi le portage. Toutefois on peut s’étonner de voir l’utilisation de buire sans anse qui devait demander une bonne poigne aux porteuses.
Ustensiles à usage réfractaire
Unique moyen de chauffage, cuisine et lieu de rassemblement de la famille, la cheminée est l’axe de la maison, l’âme du logis, le foyer. On y prépare le repas, il est donc normal d’y trouver un certain nombre de poteries à usage réfractaire : des marmites, des pots à cuire, des poêlons, des poêlettes (petits poêlons), des cases, des pots à châtaignes, et plus rarement et plus anciennement des coquemars.

La marmite, ou pot à soupe, de dimensions variables, est généralement décorée d’une virgule au colombin, qui est parfois digitée.
Le houlon, petit pot ou petite marmite, d’une capacité d’un litre et demie, est généralement utilisé par les ouvriers, paysans, carriers d’ardoises, bref tous ceux qui doivent emporter et réchauffer leur repas de midi.
Le poêlon, ancêtre de la casserole, est utilisé pour cuire la nourriture au-dessus des braises dans la cheminée.
La poêlette (poêlotte), petit poêlon, sert à chauffer de petite quantité de nourriture, du lait, de la bouillie notamment pour les enfants. Elle se retrouve également comme réceptacle pour contenir les braises à l’intérieur d’une chaufferette, exemple d’une double fonctionnalité.
Les harrassoirs (grilloirs à châtaignes) sont de deux sortes : soit il comporte deux anses horizontales en dessous de la lèvre, soit il dispose d’un manche en partie creux comme les poêlons et les poêlettes, la différence étant qu’il est percé d’une trentaine à une cinquantaine de trous.


La case (casse), plat à enfourner, sert à cuire le pâté et autres mets comme rôtis, poulets et fars, ou pour les plus petites des pommes cuites. La case est la rare pièce qu’on peut attribuer à Saint-Jean-la-Poterie ou Malansac. On distingue deux formes : celle de Saint Jean, dispose de petites anses en bout et de chaque côté, alors que celle de Malansac comporte à cet endroit de petites oreilles ou un simple pincement de la lèvre. Il est à noter que celle de Saint-Jean possède parfois une anse ou une double anse sur le devant, ce qui permet de la rattraper du côté de l’ouverture du four.
Le coquemar, pot de forme plutôt fermée, pansu, plus haut que large, et qui sert à chauffer les liquides dans la cheminée (eau, décoctions, café ?).

Denis Danilo.
Août 2021.
Tous droits réservés – Textes extraits de l’exposition « LES POTS D’ANTAN, un art dédié au quotidien », organisée dans le grand salon du Château de Rochefort-en-Terre, 2021.
Bravo pour cette exposition ! De plus cela fait revivre le château de Rochefort en terre