Edgar Le Bastard (1836-1892), maire de Rennes en 1871 et de 1880 à 1892, a laissé de nombreuses traces de son action dans la ville lors de ses mandats. Homme politique très impliqué, républicain convaincu, il a réussi à élever Rennes au rang des plus importantes villes universitaires de France et a profondément œuvré pour l’édification de nouveaux bâtiments emblématiques, comme le Palais du Commerce qui domine la place de la République. La rue Le Bastard (ancienne rue aux Foulons), rue piétonne du centre-ville aux nombreux commerces, porte son nom depuis 1893.

Edgar Le Bastard est né en 1836 à Tinchebray, dans l’Orne. Il s’installe à Rennes afin de poursuivre ses études secondaires puis supérieures, durant lesquelles il se consacre au droit. Après avoir obtenu sa licence il devient propriétaire d’une tannerie, « Le Cuir Lissé », qu’il développe dans le quartier Saint Martin. En devenant un important industriel de la ville, il se fait connaître, au point de devenir président de la Chambre de Commerce de Rennes.
C’est à la chute du Second Empire qu’Edgar Le Bastard intègre le monde politique, en devenant membre de la commission municipale de Rennes en 1870. C’est un républicain affirmé, « anticlérical mais non antireligieux », selon l’historien Jean-Yves Veillard, et sensible aux besoins des plus démunis. En janvier 1871, il est élu maire provisoire mais sera très vite remplacé par Pierre Martin, nommé par le Président de la République, Adolphe Thiers. Il est de nouveau élu maire en 1880, alors sénateur d’Ille-et-Vilaine et conseiller général depuis un an. Il croit aux bienfaits de l’enseignement public, et, en lien avec l’architecte Jean-Baptiste Martenot, il fait édifier de nombreuses écoles dans divers quartiers rennais. Sous son mandat, le budget municipal alloué à l’enseignement est multiplié par sept. Souhaitant que Rennes devienne le centre intellectuel de la Bretagne, il développe également les universités, avec là encore de nouveaux locaux pour accueillir les étudiants qui affluent. Le Palais du Commerce, bâtiment emblématique de la place de la République, est également une de ses initiatives. Ayant à coeur de développer le confort urbain, il fit installer le réseau d’égouts rennais, vers 1882.

Edgar Le Bastard fonde en 1886 le Parti Radical d’Ille-et-Vilaine, puis prend la tête du parti boulangiste du département (parti de gauche anticlérical), une orientation qui ne sera pas unanimement appréciée.
Il décède le 28 juin 1892. Le 30, ses funérailles en grandes pompes attirent un nombre impressionnant de Rennais. Il est inhumé au cimetière du Nord. Pour honorer sa mémoire, le conseil municipal commande une statue à son effigie au sculpteur Emmanuel Dolivet. Cette statue devait prendre place dans la niche vide de l’Hôtel de Ville. Finalement, la statue en bronze réalisée grâce à un financement de la ville ainsi qu’une souscription publique, est installée place de la République devant le Palais du Commerce. Sur son piédestal on pouvait y lire : » E. Le Bastard, sénateur, conseiller général, Président de la Chambre de Commerce, maire de Rennes. Ses concitoyens, 14 juillet 1895 « , et de l’autre côté : » Adduction des eaux, écoles municipales, réseaux d’égouts, lycée, palais du commerce, école des Beaux-arts, conservatoire de musique, école d’industrie, faculté des sciences « , rappelant ainsi ses principales réalisations au sein de Rennes. Cette statue, qui ne semble pas avoir été très appréciée des Rennais, fut déplacée en 1931 place Hoche, pour être finalement détruite pour les Allemands en 1943 afin d’en récupérer le bronze.

Le portrait qui vient de rentrer dans les collections du Musée de Bretagne a pu s’inspirer d’une photographie, dont un tirage est conservé au musée de Bretagne, datant probablement de la fin de sa carrière vers 1890. Cette photographie officielle a été en effet largement imprimée et diffusée (publiée dans le Vieux Rennes de Paul Banéat). Une gravure du dessinateur Henri Dochy reprend également la même iconographie. La réalisation du portrait n’a donc pas forcément fait l’objet d’une pose du personnage et a pu être peint à titre posthume. Le peintre est Félix Lafond, directeur de l’École Régionale des Beaux-Arts de Rennes jusqu’en 1915, et conservateur du musée des Beaux-Arts de Rennes de 1899 à1916.


Selon l’actuelle donatrice, le tableau est un portrait de famille et ne semble pas avoir été réalisé à des fins de présentation publique.
Manon Six.
Octobre 2021.