Guy le Querrec, conteur d’images

En 2019, le Musée de Bretagne a acquis une série de 50 tirages du photographe Guy Le Querrec. Retour sur une aventure qui débute en 2016.

2016 : les photographies jusqu’alors inédites sur la région Bretagne sont révélées au public grâce à trois expositions présentées au Centre Atlantique de la Photographie de Brest, à L’Imagerie de Lannion et à la galerie Le Lieu de Lorient, ainsi qu’avec la publication de l’ouvrage Guy Le Querrec en Bretagne aux Éditions de Juillet. À l’été 2018, les Champs Libres proposent au Musée de Bretagne, au sein de la bibliothèque et en extérieur, un parcours qui donne à voir aussi bien les images bretonnes du photographe que des images très iconiques, sur le jazz ou l’Afrique.

Son attachement affectif au territoire breton, la complicité nouée durant ce projet amène Guy le Querrec à proposer un don au musée de 25 tirages sur les 50 acquis par le musée.

Exposition Guy Le Querrec, conteur d’images, Musée de Bretagne, Rennes, 2018 – CC BY SA – Cliché A. Amet, photothèque Musée de Bretagne, Rennes

Breton de cœur

Guy Le Querrec n’a jamais vécu en Bretagne mais il ne l’a jamais quittée.

Membre de la troisième génération de l’émigration bretonne vers la capitale, il naît et grandit à Paris. C’est dans les années 1950-1960 entre le Morbihan et les Côtes-du-Nord  que se développe son attachement à la région, au cœur des vacances familiales, au cœur des souvenirs. Avec de nombreux allers-retours entre Paris et Redon, Malansac ou Tonquédec, Guy Le Querrec se forge un regard hybride, à la fois complice des situations vécues mais aussi extérieur à celles-ci.

De ses premiers « balbutiements oculaires » jusqu’aux reportages personnels ou de commandes des années 1970-1980, le photographe, entré à l’agence Magnum en 1976, n’aura de cesse de tourner son objectif vers ses semblables. L’ordinaire, le quotidien, le hasard caractérisent son écriture photographique, matinée d’un sens hors pair du cadre – ou du hors champ – et d’une bonne dose d’humour et de dérision.

Course de chiens pendant la kermesse, Guy Le Querrec, Malansac, 4 août 1963 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Malansac, Le temps des vacances

Dans les années 1950-1960, Guy Le Querrec passe une partie de ses vacances dans la maison familiale de Malansac, petit bourg du Morbihan. C’est là que vit la branche maternelle de la famille. Chaque été, sa mère, Simone Audran y retrouve ses parents, oncles et tantes, cousins et cousines, voisins. Guy se souvient des ballades à trois  à scooter, ces jours heureux à la pêche sur l’Oust avec l’oncle Joseph de Redon ou les copains de Malansac.

Les images qu’il fixe sur la pellicule une décennie plus tard, se rattachent à ces souvenirs : les activités quotidiennes d’un bourg de campagne, le travail de la terre, la kermesse, le marché ou la tuerie du cochon.

Le regard, observateur d’une réalité qu’il connait bien, devient complice des habitants, révélant aussi une part d’intimité du photographe, de ses souvenirs les plus chers, liés à l’enfance.

L’ensilage du maïs, Guy Le Querrec, Malansac, 2 octobre 1972 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Ceux d’ici

Si Malansac constitue un terrain photographique de choix, Guy Le Querrec s’imprègne également de biens d’autres lieux de Bretagne. Lorsque dans le cadre d’une commande, il photographie un sujet particulier, il profite de ce déplacement pour repérer via la presse locale, les évènements susceptibles de constituer une thématique d’intérêt.

La photographie, dit-il, est une partie de cache-cache entre le réel et soi : de ce jeu permanent Guy Le Querrec perçoit et saisit la trace d’instants décalés et souvent drôles. Ses photographies offrent ainsi des images d’un quotidien  à priori ordinaire, mais qui comporte toujours une petite part d’imprévu, comme un moment suspendu, fortuit et surprenant. Sous la forme d’une maxime, Guy Le Querrec nous invite à « regarder ce qui se passe  autour, aux alentours et dans les contours ».

Mariage des sœurs triplées, Guy Le Querrec, Saint-Goustan, 29 juillet 1978 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Entre-soi

Le mariage demeure dans le courant des années 1970 un évènement familial majeur. La présence d’un photographe fait partie du rituel de la cérémonie, et des images très codifiées naissent des séances de pose. Guy Le Querrec se place lui en marge de cette approche, soit comme observateur de l’acte photographique, soit comme élément perturbateur. Il met en images les coulisses de la fête, le relâchement général au fil de la journée, ou encore la posture décalée de certains acteurs, comme celle des enfants par exemple.

Les mariés et le groupe de noces, Guy Le Querrec, La Chapelle-Caro, 25 mai 1979 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Réjouissances

Fêtes religieuses ou laïques  constituent un thème cher à Guy Le Querrec. Réjouissances spirituelles ou prosaïques ponctuent l’ensemble de son travail en Bretagne : des festivals de musique aux manifestations sportives, en passant par les fêtes des labours ou les fêtes folkloriques, toutes les occasions de se retrouver et de festoyer offrent autant d’occasions photographiques. Cette thématique se révèle par les à-côtés des évènements : le détail d’une posture improbable, une situation anachronique ou un cadrage original mettent en scène de façon décalée ces fêtes populaires.

Fête des anciens organisée par le club du 3e âge, Guy Le Querrec, Languidic, 30 juillet 1978 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Parasols et sable fin

Les vacances sont synonymes de Bretagne pour le jeune Guy Le Querrec. Il est donc naturel que devenu photographe, elles constituent une riche source d’inspiration. La plage n’est pas seulement le lieu des baignades et des jeux d’enfants, les adultes y pratiquent aussi des activités diverses saisies avec humour, révélant un comique de situation involontaire. L’insolite se mêle à la drôlerie de gestes ou de postures naturels, saisis sur le vif, avec bonheur et humanité. Le climat breton, partenaire incertain des joies de la plage, invite Guy Le Querrec à attraper au vol des scènes amusantes et décalées.

Sur l’Ile de Bréhat, Guy Le Querrec, 14 août 1975 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

La mer en deuil

Le 16 mars 1978, l’Amoco Cadiz, superpétrolier qui achemine vers Rotterdam 227 000 tonnes de pétrole brut, provoque une gigantesque marée noire au large des côtes bretonnes.

Il s’échoue sur les rochers de Portsall dans le Finistère. En quelques jours, 300 kilomètres de côtes sont pollués, entre Ouessant et Bréhat. Cette marée noire reste à ce jour l’une des plus importantes dans le monde, tragédie écologique encore vive dans la mémoire des Bretons.

Le plan Polmar est déclenché pour organiser le nettoyage ; Guy Le Querrec figure parmi les premiers photo-journalistes à couvrir l’évènement, réalisant plus d’une centaine d’images fin mars-début avril 1978 ; l’une paraîtra en couverture de Télérama le 12 avril 1978, suivie d’une sélection dans la revue.

Les habitants, notamment les agriculteurs, interviennent dès les premiers jours, utilisant les moyens du bord : tonnes à lisier, poubelles, sacs. Des centaines de volontaires mobilisés par des associations d’écologistes ainsi que des militaires parmi les appelés du contingent, ramassent le goudron à la main et à la pelle. Il faudra plus de six mois pour pomper ou disperser le pétrole et nettoyer les côtes bretonnes.

Naufrage de l’Amoco Cadiz, nettoyage des plages, Guy Le Querrec, Ploudalmézeau, 4 avril 1978 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Esquisses du temps présent

Quand Guy Le Querrec revient en Bretagne dans les années 1970 photographier le monde du travail, c’est une région en profonde mutation qu’il saisit, loin des clichés habituels, au plus près d’une réalité, où l’on perçoit tout à la fois le progrès et déjà les causes de la future remise en question de ces nouveaux modèles.

Les images du  monde agricole donnent à voir ce « grand basculement » des années 1960, avec l’héritage de polyculture familiale, bousculée par le changement de système agraire et l’arrivée du modèle agro-industriel  lié à l’économie de marché : le remembrement, le secteur laitier ou porcin, les abattoirs… autant de signes de la mécanisation, de la spécialisation et de l’intensification de la production. Les hommes y adhérent ou résistent. Les femmes sont aussi présentes, employées dans un autre secteur en mutation, celui de la pêche.

Mais la Bretagne est aussi terre de négoce et de commerce, à l’image du marché au cadran, ou d’industrie. Guy Le Querrec rentre dans les coulisses d’un monde laborieux, où se côtoient l’homme et la machine, l’homme et l’animal, l’homme et la nature. De détails incongrus, de cadrages décalés naît toutefois un sentiment de malaise vis-à-vis de ce système, vecteur de modernisation mais aussi dur et déshumanisé.

Abattoir industriel de volailles, Guy Le Querrec, Guerlesquin, 4 septembre 1979 – Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Céline Chanas.

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