Être médiateur culturel

« Etre médiateur culturel, c’est avant tout aimer les gens ». Vulgarisateur avant tout, le médiateur fait le lien entre les collections et le public, entre l’histoire et l’actualité. La transmission du patrimoine régional est au cœur d’un musée d’histoire et de société comme le Musée de Bretagne. L’enjeu pour nous, médiateurs, est de permettre l’appropriation de cette histoire commune par le public, breton ou pas !
De la conception à la visite, un aperçu du métier d’après les expériences des médiateurs culturels du musée.

La conception

Au musée, trois médiateurs permanents conçoivent tous les dispositifs de médiations du musée, pour l’exposition permanente mais aussi les expositions temporaires. Tous les six mois, il faut donc repenser les dispositifs, l’accessibilité et l’expérience de visite en fonction du sujet.

Gwenaëlle Neveu en visite, © Julien Mignot

Gwenaëlle Neveu, chargée de projets de médiation, a tout ça en tête lorsqu’elle travaille en amont sur les projets d’expositions. Cela commence quatre ans avant la date d’ouverture. Elle est d’abord vigilante à la scénographie : pas trop de moquette pour les fauteuils roulants, des textes suffisamment gros et bas avec un contraste suffisant, une circulation bien claire pour que le public trouve vite ses repères, penser aux assises… Gwenaëlle est celle qui pense à tout le monde et à tous les usages ! Le musée a d’ailleurs reçu le prix « Patrimoine pour tous » grâce à la visite tactile pour les non-voyants qu’elle a conçue. Elle organise aussi des médiations dans les prisons, les hôpitaux, et des projets plus longs autour des collections (Charles Barmay, C’est mon patrimoine…).

Deux ans avant l’exposition, elle conçoit un plan de médiation avec l’équipe. Celui-ci définit les publics cibles de l’exposition. Pour l’exposition « Face au mur », il s’agissait plutôt du second degré pour les scolaires, du public adulte, graphistes ou étudiants en graphistes, et personnes ayant connu les années 1970. Le sujet « le graphisme engagé des années 1970-1990 » ne se prêtait pas aux plus jeunes ! Nous pouvons ensuite imaginer des dispositifs de médiation appropriés à ces publics lors de séances collectives de « remue-méninge ». Plusieurs supports sont à créer : les manipulations ludiques, numériques ou mécaniques, des livrets-jeux pour les familles, mais aussi les animations scolaires, les visites commentées ou encore des projets d’Éducation Artistique et Culturelle.

Pour l’exposition « Face au mur », il s’agissait de la création d’un quiz, et d’un partenariat avec l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne qui proposait une borne interactive pour créer sa propre affiche.

Un métier riche qui nécessite d’agréger de nouvelles connaissances à chaque nouvelle exposition, même si à la fin, c’est le terrain qui commande ! Tout ce qui a pu être préparé sera revu en fonction de nos premières expériences face au public.

Le public scolaire

En parallèle, il faut organiser toutes les visites scolaires. C’est la plus grosse partie de notre public avec plus de 5 000 élèves par an. Le bâtiment est réservé à leur accueil le matin. Une quinzaine d’animation est proposée, en fonction du niveau scolaire, de la période historique ou d’un sujet plus précis. Des professeurs-relais de la DAAC, un pour le premier degré et deux pour le second degré, travaillent avec nous pour concevoir toutes les médiations scolaires, rédiger les dossiers pédagogiques et faire le lien avec les enseignants.

Clémence Troussier en visite famille « Hissez haut »

Clémence, médiatrice des Champs Libres, est notre maestro : elle gère tous les plannings pour être sûr de n’oublier aucun groupe. Elle répartit les visites entre nous et trois guides-animateurs, des étudiants qui viennent renflouer les rangs pendant l’année. Il faut aussi les former à chaque visite et aux collections du musée, ce qui prend beaucoup de temps. Clémence est aussi la reine de la visite de l‘exposition Western, au point que la commissaire d’exposition est venue suivre ses visites de nombreuses fois avec ses élèves en photographie !

La visite commentée

L’exposition permanente présente l’histoire de la Bretagne et des Bretons de la Préhistoire à nos jours. Un vaste programme à présenter en une heure à nos visiteurs. Comment synthétiser, vulgariser et en même temps donner envie en si peu de temps ? C’est le travail du médiateur, qui est là avant tout pour que le public passe un bon moment. On distingue le guide-conférencier au propos plutôt descendant, du médiateur qui est avant tout un passeur d’histoires, celles des collections aux visiteurs et celles des visiteurs entre eux. Car le musée, comme tout lieu de culture, est un lieu de sociabilité. On y vient pour faire des rencontres, artistiques, historiques mais aussi humaines. La visite est donc le moment idéal pour aller vers l’autre et amener le public à livrer sa propre expérience, son propre regard. Cette démarche est en phase avec les enjeux des droits culturels, dont l’idée est de valoriser les connaissances du visiteur et de développer l’esprit critique. Quelle est la technique du médiateur ?

Paskal Nignol en visite

Pour Paskal Nignol, médiateur depuis 25 ans au Musée de Bretagne, la médiation est une thérapie. C’est en quelque sorte une façon de sortir de soi-même pour se mettre au service du public et du patrimoine. C’est pour lui une véritable vocation qu’il vit à chaque instant. Chaque rencontre, chaque voyage nourrit ses visites, pour le plus grand plaisir des visiteurs. Être médiateur nécessite de donner de soi « Avant chaque visite, je me sens comme un comédien qui va monter sur scène ». L’appréhension avant la visite est bien présente, car le médiateur a une sorte de promesse à tenir, un contrat implicite avec le public qui veut comprendre le musée. Il sait se mettre au niveau du public malgré le niveau de connaissance de l’histoire bretonne acquis au fil des années. « Je pense toujours à mes parents, qui n’ont jamais mis les pieds dans un musée et ne connaissent rien à l’histoire ». Pourtant, chaque visite est différente, en fonction de son énergie à soi, et surtout en fonction de ce que le public apporte. Le médiateur sent tout de suite l’énergie du groupe, son intérêt et son engagement. Si la visite semble ratée, on se dit parfois que c’est le public qui n’est pas bon !

Passionné par la langue bretonne, c’est le grand représentant du c’h au musée. Grâce à lui, le musée a signé la charte « Ya d’ar brezhoneg » et traduit tous les textes d’expositions en breton. Il accueille tous les ans les élèves de Skol en Emsav et les fait travailler en breton sur les collections du musée. Il propose évidemment des visites scolaires en breton pour les écoles Diwan et bilingues, au musée et à l’Écomusée de la Bintinais ; une visite en breton par mois pour le grand public, et régulièrement une visite initiation « le breton pour les nuls ». Il a également mis en place un atelier 4C de conversation en breton tous les jeudis midis.

La médiation en ligne

La relation au public ne se limite pas au musée, elle s’étend aussi sur les réseaux sociaux. C’est là que j’interviens ! Avec les confinements, il a fallu imaginer de nouvelles astuces pour amener de la culture à domicile. Les réseaux sociaux nous permettent de garder le lien avec le public, mais aussi plus globalement de partager l’histoire de la Bretagne à travers nos collections.

Laura Bourdais en visite sportive – CC BY SA – Cliché Alain Amet, photothèque Musée de Bretagne

A l’heure actuelle, le musée investit 4 plateformes : Twitter, Facebook, Instagram et Linkedin. Twitter et Linkedin représentent un public davantage professionnel (des musées, de l’éducation…). Facebook et Instagram offrent un public plus jeune et plus enclin à la discussion, nous y postons donc des contenus plus grand public, nos vidéos, les coulisses du musée, et les photos produites par notre photographe. Les réseaux nous permettent d’atteindre parfois un public qui ne se déplacerait pas au musée mais apprécie les formats courts, plus accessibles et moins fastidieux qu’une visite complète du musée. Cela leur permet de découvrir différents aspects du musée par petites touches. 5 types de contenus sont publiés sur nos réseaux :

  • Le lien vers les articles de blog tous les lundis (plutôt sur Twitter et Linkedin)
  • La programmation (annonce et live, Twitter et Facebook)
  • La médiation ou valorisation des collections (Instagram, Facebook et Twitter)
  • Les coulisses (en story sur Instagram et Facebook)
  • Les informations pratiques

Nous avons ainsi testé plusieurs formats de médiation numérique : des threads et des game-thread sur Twitter, des activités à faire chez soi, des quiz, des story présentant certaines collections… Et puis nous avons voulu ramener de l’humain, comme au musée, et avons commencé à produire par nos moyens, certes modestes, des vidéos de médiation. C’est aussi l’occasion de valoriser le travail moins connu des collègues, comme le nettoyage des collections, les inventaires et numérisations, ou encore les montages d’exposition.

Tweetant plus vite que mon ombre, mon but est de faire vivre cette communauté numérique. Je n’hésite pas à m’adresser directement aux internautes, sur Messenger ou Instagram, pour qu’ils n’aient pas l’impression de suivre un robot ! L’idée est vraiment d’adapter le langage du musée à celui, bien particulier des réseaux sociaux : avec de l’humour, de la réactivité, dans un niveau de langage accessible à tous. Il faut être à l’affut de chaque activité du musée pour trouver des idées de contenus originaux, qui donnent une vision du musée dans son ensemble, avec sa face immergée.

Quand une de mes collègues disait « être médiateur c’est d’abord aimer les gens », elle résumait donc très bien ce métier. Le plus important est d’avoir envie de partager, de rencontrer, de transmettre, et de prendre du plaisir à le faire. Ensuite, tout est une question d’adaptation, à son public et au contexte (numérique, sur place, hors les murs…), et surtout de naturel !

Laura Bourdais.

Novembre 2021.

Pour découvrir plus d’activités des médiateurs du Musée de Bretagne :

9 réflexions sur “Être médiateur culturel”

  1. Entant que étudiant nouvellement diplômé pour exercer ce métier de médiateur culturel ça été un très grand plaisir pour moi de lire votre article hyper Riche.
    J’en suis confiant car l’humain occupe une place importante dans mon cœur,ma Vie et j’y rêve.
    Merci un article très riche.

  2. Bonjour,
    Attention, les guides conférenciers ont eux aussi vocation à vulgariser le patrimoine…. ils ne sont pas « descendants ». Mais doivent pouvoir répondre à des attentes de visiteurs férus tout comme à des plus jeunes selon le lieu et la forme de la visite conférence !
    A ne pas confondre avec des maîtres de conférence ou au conférenciers d’art….

    1. Bonjour, oui effectivement c’est peut-être plutôt de la conférence d’art à ce moment-là, le terme « conférencier » ne rend pas bien compte de la diversité des pratiques finalement.

  3. Bonjour,

    Merci pour cet article intéressant et bravo pour votre travail.
    Je suis de mon côté guide-conférencière et suis un peu peinée sur le raccourci qui a été pris pour qualifier mon métier.
    Je trouve que les métiers de médiateur et guide-conférencier se ressemblent énormément.
    Je recherche l’interaction, la communication et le partage à chacune de mes visites avec chacun de mes clients et c’est pour ce cela que cette profession me plait tant.
    Personnellement, j’ai beaucoup de mal à différencier le métier de médiateur et celui de guide-conférencier…

    Bien à vous.

    1. Bonjour, effectivement la nuance est fine, disons qu’au musée nous distinguons surtout le format de visite-conférence à celui des médiations-animations mais je l’ai certainement expliqué maladroitement.

  4. Il faut croire que ceux qui ont écrit cet article n’ont jamais suivi une visite guidée par un guide conférencier. Ceux là aiment aussi les gens, savent communiquer de façon sociable et détendue tout en communiquant agréablement de la connaissance en sachant s’adapter à leurs publics.
    Les médiateurs remplacent bien souvent les guides, une façon de transformer des métiers pour les rémunérer de moins en moins…

    1. Bonjour, bien sûr l’idée n’était pas de réduire le travail du guide-conférencier mais plutôt de différencier la visite en format conférence des médiations qui peuvent inclure d’autres formats d’animation. De votre côté, quelle différence faites-vous entre médiateur et guide ? Est-ce simplement une question de statut ?

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