La Bretagne pendant les confinements – Regards de photographes

Pendant les deux périodes de confinement imposées à la population française en 2020 en raison de la propagation de l’épidémie Covid-19, de nombreux photographes ont continué à exercer leur art et leur métier. Ils ont à leur manière et selon leur propre sensibilité, porté un regard sur cette crise sanitaire sans précédent.

Le Musée de Bretagne a souhaité gardé trace de la mémoire de ces confinements en lançant un appel à participation à des photographes professionnels en mars 2021 : les photographies, sélectionnées par un jury sur des critères précis, ont été acquises au titre des collections du Musée, et sont exposées pour la première fois aux Champs Libres, dans la Galerie des photographies, du 19 novembre 2021 au 29 mai 2022.

Certains sujets s’avèrent ainsi étrangement absents, quand d’autres reviennent fréquemment :  si les malades, les soignants et les travailleurs mobilisés ne sont quasi pas présents, les rues désertes, les signes d’entraves aux déplacements, l’absence, le repli sur la sphère intime et familiale sont, eux, au cœur des propositions.  

Assumant sa subjectivité, cette sélection de dix œuvres, apportera un témoignage sensible sur cette période, qu’il conviendra de compléter d’autres sources et d’autres regards.

Céline Chanas.

Novembre 2021.

Découvrez les dix photographies lauréates et les textes de présentation des auteurs :

Martin BERTRAND, La crise du coronavirus, Saint-Malo mars 2020

Martin Bertrand – CC BY – Collection Musée de Bretagne, Rennes

 » Depuis Mars 2020, je travaille à documenter la crise que nous vivons comme une période spéciale qui aura changé notre quotidien en essayant de me concentrer sur ce qui nous entoure et qui a rendu notre décor hors norme : le vide, les masques, la signalétique parfois surréaliste… Cette photo […] a été prise sur une plage de Saint-Malo, en Bretagne et nous plonge entre l’admiration face à un paysage devenu désert et un sentiment de solitude. »

Delphine DAUPHY, Journal d’un confinement (Le temps en suspens), avril-mai 2020

Delphine Dauphy – CC BY NC ND – Collection Musée de Bretagne

 » Mon regard s’est porté sur la vie entre les murs de mon appartement, les membres de ma famille devenant les personnages principaux des répétitions du quotidien. Tous les quatre n’avons jamais autant tourné la tête vers le dehors, plongeant nos yeux dans le feuillage naissant des arbres, guettant chaque nouvelle pousse dans les jardinières, observant la couleur du ciel et la forme des nuages au-dessus des immeubles, notre horizon urbain. »

Adrien DUQUESNEL ( Enfinduc/(c)ADU(c) ) , Confinement étudiant, printemps 2020

Adrien Duquesnel – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne

 » Cette photographie représente et évoque en seule image la prise de liberté de jeunes étudiants confinés, au travers de leur installation sur le parking de leur résidence, légèrement vêtus et réunis en petit groupe. Le besoin de relations sociales, amicales, amoureuses se révèle à l’abri des regards malveillant et nous invite à un moment de douceur lors de ce frustrant printemps 2020.  D’un format carré, cette image a été réalisée depuis la coursive extérieure de mon appartement. « 

Lise GAUDAIRE, Un semblant de quelque chose ou confinement jour 32, 16 avril 2020

Lise Gaudaire – CC BY NC SA – Collection Musée de Bretagne, Rennes

 » Du 17 mars 2020 au 10 mai 2020, chaque jour, j’ai fait une photographie et écrit un texte, ici à Rennes, rue Margueritte et dans ses alentours, publiés en fin de journée sur internet. Un journal en quelque sorte. […] L’image raconte le confinement. Les enfants. Les parents. La lassitude. La rencontre. La joie de partager un semblant de quelque chose. Le temps long de l’enfermement. Le temps long d’une photographie à la chambre.

La photographie pour se souvenir. J’ai déjà écrit ça. Ailleurs. Photographier le quartier. Photographier les visages. Me souvenir qu’ils étaient là. Pour qu’ils se souviennent qu’ils étaient là. Et puis pour appartenir. Faire groupe. Ici. Rue Margueritte. Pour un semblant de quelque chose »

Julie HASCOËT, le sens du périmètre, Brest 8 avril 2020

« Tracer des lignes, définir des contours et se conformer aux rigueurs de la carte pour appréhender le territoire précis du confinement : le pâté de maison. Arpenter la quartier dans un périmètre imposé sonne comme tourner en rond, et pourtant, rien n’est rond dans ce plan d’urbanisme fait de lignes toutes droites. Traverser le bloc, c’est faire l’expérience de cet îlot urbain : une île qui a perdu son charme utopique mais qui sait, en revanche, conserver toute sa dynamique de réclusion. La promenade n’est plus l’apanage du flâneur mais du prisonnier. Attestations, mesures de sanctions, corps contraints : chaque geste est mesuré, observé, maîtrisé.

Je photographie.

Photographier, c’est capturer comme on maintient captif : le scintillement des chambres dans le lointain – ultimes lucioles, la moindre fissures, ou mauvaise herbe, une percée qui viendrait troubler la rectitude des allées, un instant de chaos, un signe de vie. Plus que jamais, je rêve de fuir, je rêve des marges. Quitter la ville et ses dispositifs de contrôle. Je rêve des horizons infinis de l’océan, de l’air chargé d’iode, des sentiers hasardeux de campagne.

Ici, c’est Brest, quartier du Haut-Jaurès : tous les possibles se tiennent à portée de main et je suffoque pourtant dans cette mer de béton. « 

Richard LOUVET, le nouveau né, avril 2020

Richard Louvet – CC BY NC SA – Collection Musée de Bretagne, Rennes

 » Je souhaite vous proposer la seule et unique photographie que j’ai réalisée lors du premier confinement. En effet mon travail photographique repose essentiellement sur des relations sociales nouées avec des groupes d’individus structurés ou non. […]  Tous mes projets en cours étaient stoppés. À la place, une vie de famille se mettait différemment en place avec l’école à la maison pour mes deux filles de 6 et 10 ans. Le lien avec les enseignant.es est passé beaucoup par l’image et pour les besoins pédagogiques, une habitude de mise en scène photographique s’est mise en place avec mes enfants. Alors quand ma compagne a souhaité participer au challenge lancé par le Getty Museum de Los Angeles, c’est tout naturellement que toute la famille s’est prêtée au jeu. […] Sans être inédite, la proposition du musée était simple, alors que les lieux culturels sont fermés, comment pouvons-nous continuer à faire vivre les chefs d’œuvres restés à l’abri des regards ? Comme nous, des milliers d’internautes se sont essayés à incarner des tableaux du monde entier. Pour nous qui avions projeté de nous rendre au musée des beaux-arts de Rennes alors que le confinement nous y avait empêchés, le choix du tableau était évident, le chef d’œuvre des musées bretons, le Nouveau-né de George de La Tour. À la fois iconique et inspirante, cette nativité peinte dans un huis clos à la lueur d’une flamme a tout de suite été plébiscitée par nos deux filles. »

Cedric MARTIGNY, Des-installations urbaines, mars 2020

Cédric Martigny – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

 » La première période de confinement a été pour moi une occasion privilégiée pour observer des situations inédites, ou la logique ne semblait plus de mise. J’ai croisé un voisin qui nettoyais les tuiles de sa toiture à l’éponge, une par une. Un autre passait la tondeuse tous les jours. Une autre faisait son yoga sur un parking de supermarché. […] Le projet photographique que j’ai développé pour témoigner de cette période particulière a été une en-quête d’identité au cours de laquelle j’ai demandé à des participants de tous âges ce qu’ils ont inventé pour traverser ce

vacuum temporel, et d’une certaine manière, maintenir leur être dans le non-être. Chaque situation a fait l’objet d’une mise en scène négocié avec le/la/les participant(es) : « des-installations urbaines » se présente comme une représentation métaphorique des bouleversements que nous traversons au cours desquels de nombreuses personnes ont décidé de changer leur mode de vie. Thierry Pavard a ainsi décidé de quitter Rennes pour vivre le confinement sur un terrain en campagne, cultivant son jardin, plus près de la nature. »

Jean-Adrien MORANDEAU, Unité, mars 2020

Jean-Adrien Morandeau – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

« Habitant en plein centre-ville de Rennes, j’ai profité de mon droit de sortie d’1h à 1km de chez soi pour photographier la ville « éteinte ». J’ai pu en tirer une série que j’ai sobrement intitulé « Rennes sous Corona ». […] Il s’agit des habitants des tours des Horizons à Rennes applaudissant les soignants. Photo prise à 20h, je trouve cette photo représentative de cette période difficile pour tous.« 

Mathieu PATTIER, Toutes et tous une partie de la solution, mars et avril 2020, superposition numérique couleur

Mathieu Pattier – CC BY NC – Collection Musée de Bretagne, Rennes

 » J’ai voulu à travers cette image réaliser un champ contre champ, avec deux images importantes de ma pro­duction lors de cette période :  « Bretagne terre d’accueil », l’arrivée des trains transportant des malades vers les hôpitaux bretons ; « Tous confinés », portrait à travers une vitre de son appartement, d’une jeune mère de famille et de sa fille. […] Selon moi, les deux piliers à ce stade de lutte contre l’épidémie sont présents sur l’image, le corps soignant et ses savoir-faire et la population avec les gestes barrières. Tous concernés et potentiellement tous victimes.« 

Renan PERON, Rennes quartier Saint-Hélier, 13 avril 2020

Renan Péron – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

« Cette photo a été prise à Rennes, dans le quartier Saint-Hélier, pendant le premier confinement, le dimanche soir. Le président Macron nous annonçait que ça allait durer un peu. Je suis sorti (une heure, un kilomètre) et en me promenant j’ai vu le Président à la télé à travers une fenêtre. Sans doute des gens étaient plus attentifs que moi au discours. »

Une exposition à découvrir aux Champs Libres, dans la Galerie des photographies, du 19 novembre au 2021 au 29 mai 2022.

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