Un procès-verbal imprimé sur soie et conservé au Musée de Bretagne, est le témoin d’une histoire pleine de rebondissements : celle de la construction du canal de Nantes à Brest. Les premiers travaux de canalisation en Bretagne datent du 16e siècle : dans un but commercial, la Vilaine l’est alors pour permettre une navigation fluviale jusqu’à Rennes. Souvent évoquée au 17e siècle, l’idée d’un réseau régional de voies d’eau se précise au 18e siècle. Les choses vont d’autant plus vite que les dirigeants y voient désormais une finalité militaire, renforçant le dessein économique : les arsenaux de Brest et de Lorient étant régulièrement bloqués lors de conflits avec l’Angleterre, les infrastructures routières étant déplorables, la construction du canal de Nantes à Brest est programmée. À la veille de la Révolution, les travaux sont prêts à être lancés. Les événements font qu’ils ne le seront qu’en 1806, sous le Premier Empire. La tache est pharaonique : s’affranchir du relief pour faire de huit rivières un seul cours d’eau, déplacer des dizaines de milliers de tonnes de terre et de pierre, construire 236 écluses, ainsi que des réservoirs d’alimentation en eau.

Paysans ou journaliers, hommes, femmes et enfants, mais aussi parfois bagnards ou prisonniers de guerre y travaillent. Le chantier subit les aléas de l’Histoire : en temps de guerre, les fonds alloués diminuent, l’activité est même arrêtée de 1814 à 1822, date à laquelle l’État fait appel aux capitaux privés devant le coût colossal. Les 360 kilomètres du canal sont ouverts en 1842.
Ce délicat document de soie relate la pose de la première pierre de l’écluse de Nantes, en 1828, en présence de Madame, Duchesse de Berry, belle-fille du roi régnant Charles X.

Madame donne son nom à l’écluse, aujourd’hui disparue, pour quelques années, jusqu’à ce qu’elle tente de soulever les Bretons contre Louis-Philippe. Mais c’est une autre histoire…
Fabienne Martin-Adam
Extrait de Objets de l’histoire, mémoires de Bretagne, Les collections du musée de Bretagne, éditions Ouest-France, Rennes, 2011.