Le photographe Charles Barmay (Rennes, 1909-Rennes, 1993) exerce en amateur tout en travaillant dans le milieu de la photographie professionnelle au service des illustrations du journal Ouest-France. Si sa pratique est sans doute influencée par son travail quotidien de retouche et de recadrage, ses clichés révèlent un regard personnel, à l’écart des modes. Du début à la fin de son activité, Barmay reste presque toujours fidèle au même Rolleiflex. Il développe et tire ses négatifs lui-même, les retouche à l’occasion et les recadre beaucoup.
Dans le fonds conservé au musée de Bretagne depuis 2002 – près de 4000 négatifs noir et blanc au format 6×6 et quelques centaines de tirages – une petite moitié concerne Rennes. Barmay circule dans la ville, Rolleiflex à la main, captant ses sujets sur le vif. Prises exclusivement en extérieur, dans l’espace public, en majorité de 1961 à 1967, ces photographies illustrent la vie des gens ordinaires et le quotidien de la rue.

Ainsi trouve-t-on un inventaire surprenant aux thèmes récurrents : les chiens, le trafic fluvial, les foires, les enfants affairés, les travaux, la pluie… Les habitants attendent le bus, consultent le plan de la ville, vendent des fleurs, dorment sur les bancs publics, livrent des marchandises, réparent la chaussée, pêchent dans la Vilaine, fréquentent les foires, se rendent au stade. Les portraits et les événements officiels sont pour ainsi dire absents.

En flânant dans le centre ville, Charles Barmay photographie les activités quotidiennes ou celles qui présentent un aspect inattendu, insolite, voire cocasse. Bien des scènes provoquent le sourire, d’autres s’apparentent au documentaire (chantiers urbains, petits métiers). D’autres enfin témoignent de sa recherche esthétique où il joue des ombres et lumières, des textures et reflets dans l’eau, de la composition.

Barmay porte un regard observateur et bienveillant sur ses semblables : son empathie pour les autres, bien qu’empreinte de retenue, est évidente. Rares sont ceux qui croisent l’œil du photographe, car leur attention se porte ailleurs. Le Rolleiflex nécessite un temps de réglage, le photographe regarde le boîtier tête baissée, sans viser le sujet de face, Barmay s’efface, naturellement réservé selon bien des témoignages.
L’intérêt de ce fonds réside dans la liberté d’expression d’un photographe dont l’approche est ouverte, spontanée et simple, c’est l’album de famille de Rennes. L’historien y trouve de multiples renseignements sur des sujets très variés (architecture, mode, publicité, métiers et habitudes sociales) alors que le simple observateur prend plaisir, non sans nostalgie, à découvrir l’atmosphère d’une ville des années 1960.

Charles Barmay et son épouse voyagent, en Bretagne, en France et en Europe, autant de prétextes pour pratiquer la photographie, il s’exerce notamment au paysage. L’univers du travail ne lui est pas étranger, dans les parcs à huîtres de Cancale, ou dans les campagnes du pays de Redon, il s’attache aux gestes des femmes et des hommes accomplissant leur métier.

Les photographies de Barmay ne sont jamais aussi réussies et attachantes que lorsqu’il met en scène la capitale bretonne, dont il connaît par cœur tous les détours.
Alison Clarke.
Texte extrait de Reflets de Bretagne, les collections photographiques du musée de Bretagne, sous la direction de Laurence Prod’homme, éditions Fage, Lyon, 2012.