13 695 : ce chiffre, qui s’affiche devant le mot « résultats » du portail des collections en ligne du Musée de Bretagne quand le nom de Sigismond Michalowski est entré dans le moteur de recherche, résume à lui seul l’important héritage visuel que nous a transmis ce photographe-reporter, témoin d’événements qui ont marqué l’Histoire de la Bretagne des années 1940 aux années 1980.

Une vie professionnelle consacrée à l’image
Fils d’Albert Michalowski, photographe à Noeux-les-Mines, Zygmont/Sigismond Désiré Joseph Michalowski (Béthune, 25 août 1925 – Rennes, 29 octobre 2003) entre dans la Résistance à 16 ans dans le nord de la France. En 1943 et 1944, il est à Rennes, appareil-photo à la main, fixant sur la pellicule la ville délabrée par les bombardements de l’U.S. Air Force et les destructions opérées par les Allemands en fuite.

En 1946, il s’engage pour l’Indochine dans le Corps Expéditionnaire Français d’Extrême-Orient et il incorpore le Bataillon Autonome Thaï. En 1949, il intègre le Service presse-information de l’Armée et, en 1950, il obtient le brevet d’opérateur projectionniste. Parallèlement à ses missions officielles et à titre personnel, il photographie et filme en 16 millimètres la vie dans les postes militaires et celle des populations locales. Certaines de ses photographies prises en 1955 au Vietnam font le tour du monde, publiées dans France Soir, Le Parisien libéré, Le Combattant d’Indochine, Radar ou Noir et blanc. Il est le dernier correspondant de guerre à quitter l’Indochine en 1956. En décembre de la même année, il est envoyé en Algérie en qualité de reporter au service du cinéma des armées : les plus sérieuses agences de presse internationales diffusent ses documents. II est alors le seul reporter autorisé à travailler au Gouvernement Général. Après le Coup d’État du 13 mai 1958, il accompagne pendant un an le général de Gaulle lors de ses déplacements. II termine sa carrière militaire le 26 octobre 1959 avec le grade de sergent-chef et reçoit la croix de la Valeur militaire.
De 1959 à 1986, Michalowski exerce à Rennes. Après avoir repris le fonds de commerce du photographe portraitiste Raymond Guillaume, 2 rue de la Motte-Fablet, il s’installe en 1981 rue Saint-Melaine.

Mais comme le précise sa notice biographique dans le catalogue d’exposition consacré aux collections photographiques du Musée de Bretagne paru en 2012, il reste plus intéressé par les clichés pris sur le vif que par le travail en studio : Sigismond Michalowski peut véritablement être professionnellement défini comme un photographe de terrain.
Photographier l’action en face
Correspondant de France Soir pour toute la Bretagne, mais également collaborateur de revues illustrées comme Regards Ouest, Sigismond Michalowski est constamment attentif à l’actualité. Il expose à Paris, Munich, Rennes. Il reçoit de nombreuses récompenses et distinctions, il obtient même la médaille d’or du Label Art et Qualité Bretagne, récompense attribuée par le Comité interprofessionnel de propagande pour les produits bretons.
Dans une interview pour le magazine rennais L’œil électrique publié entre 1997 et 2004, il explique comment il prenait ses photographies quand il était au service de l’Armée, une manière de faire qu’il est tout à fait possible d’appliquer à l’ensemble de sa production civile : « j’arrive je shoote tout de suite. Dans une histoire comme ça l’action est en face. Les prises de vue se faisaient toutes seules, c’est un événement, tu ne cherches pas à aller voir ailleurs. Souvent mes copains de régiments étaient écœurés, parce que je ramenais une chose qu’ils n’avaient pas vue, alors qu’ils étaient présents, autant que moi ».

Qu’il se soit appliqué à faire un reportage photographique sportif, culturel, événementiel ou, tout simplement un cliché de la vie quotidienne, Michalowski ne choisissait pas d’angle de prise de vue, il ne tournait pas autour du sujet. En faisant une composition, il prenait le risque de louper le moment marquant. Comme il le soulignait : « la photo, c’est ni avant, ni après, c’est pendant » !

Des clichés entrés dans l’Histoire
Convaincu qu’« une photo prise par 130 objectifs n’a plus d’intérêt », Sigismond Michalowski a réussi, grâce à son style et à son expérience, à se démarquer des autres photographes-reporter : certaines de ses photographies sont aujourd’hui de véritables sources historiques uniques.

Ses clichés sont, au gré de l’actualité, toujours redécouverts avec intérêt. Ainsi, en décembre 2020, à la mort de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing, les curieux consultent les collections en ligne du Musée de Bretagne pour regarder avec étonnement l’homme politique en maillot de bain sur la plage de l’Écluse, à Dinard, le 20 août 1964.

Le même phénomène de curiosité, cette fois imprégné de nostalgie, a pu être observé en 2017, au décès du chanteur Johnny Hallyday : ses fans Bretilliens ont pu évoquer dans la presse leurs souvenirs du concert donné pour l’inauguration du stade Paul Ricard à Noyal-sur-Vilaine en 1970 à grand renfort des photographies prises ce jour-là par Michalowski.

Et difficile de ne pas parler du regard passionné des supporters du Stade Rennais face aux images qui rappellent les grands moments de leur équipe de football, remises en lumière en 2021, pour fêter les 120 ans de leur club.

Guerres, attentats, manifestations, compétitions, spectacles, fêtes populaires, scènes de rue, portraits familiaux ou officiels… Sigismond Michalowski, après avoir été les yeux de monde entier pendant les conflits qui ont marqué les années 1940 et 1950, a été l’un des photographes de la Bretagne contemporaine. Ses livres, ses clichés, ses reportages ont été mis aux enchères sur sa demande en 2001. Le musée de Bretagne est aujourd’hui l’une des principales institutions qui conserve son travail.
Sophie Chmura.
À propos de Sigismond Michalowski :
Des films et des reportages de Sigismond Michalowski sont conservés par la Cinémathèque de Bretagne.
Prod’homme (Laurence) dir., Reflets de Bretagne, les collections photographiques du Musée de Bretagne, Lyon/Rennes, Editions Fage/Musée de Bretagne, 2012, p. 67, 207-209, 219, 234 et 248.
Prod’homme (Laurence), « La justice, un patrimoine muséal méconnu, l’exemple du Musée de Bretagne », dans Musée Dévoilé le blog du Musée de Bretagne. Bourdais (Laura), Lemaître (Maël), Velex (Diane), Gledel (Marion), Moreau (Manuel) et Audrain (Hélène), « Muséofoot ou comment expérimenter une nouvelle rencontre entre collection, médiation et public », dans Musée Dévoilé le blog du Musée de Bretagne.
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