Eté 2021 : à la suite de l’exposition Face au mur, le Musée de Bretagne se voit proposer un ensemble très conséquent d’affiches – régionales, nationales, internationales – qui témoigne de l’histoire personnelle du donateur, Denez L’Hostis, et de ses expériences militantes depuis ses premiers engagements à la fin des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980.
Denez L’Hostis est né en 1947 dans le Finistère, à Briec, et passe son enfance en Bretagne. Après des classes préparatoires HEC au lycée Henri-IV à Paris, il poursuit des études de commerce en entrant à l’ESSEC (promotion 1970), puis se spécialise en recherche en économie (doctorat en gestion, 1979) et économie de la pêche. Étudiant à Paris au moment de mai 1968, il est Trésorier national de l’Union des Grandes Écoles, affiliée à l’UNEF, et militant du PSU. Formé aux enjeux de l’agro-alimentaire, il travaille durant toute sa carrière dans différentes organisations du secteur : économiste des pêches à l’INRA, puis à l’IFREMER, directeur de l’Organisation des pêcheries de l’Ouest Bretagne de 1986 à 1993, puis directeur du port-musée de Douarnenez (1994-95) et enfin directeur de La Cité de la Mer à Cherbourg (1998-2007).
50 ans d’engagement pour l’environnement
Adhérant à Eau et rivières de Bretagne (alors association pour la production et la protection des salmonidés en Bretagne) et à Bretagne Vivante (alors SEPNB : Société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne) au début des années 1970, Denez L’Hostis crée dans les années 1980 PREDEO, association pour la préservation et le développement de l’estuaire de l’Odet puis crée les Yoles de l’Odet en 1992, dans le sillage du très fort mouvement populaire sur le patrimoine maritime et nautique de Bretagne. Il est aussi ancien président de l’association Sphère de Vies, sensibilisant le grand public à l’évolution de la biodiversité et à la place de l’espèce humaine dans la nature.
Dès les années 1970, il s’implique fortement dans les actions militantes bretonnes, du refus du nucléaire à la prise en compte précoce de l’écologie au sein de la société jusqu’à des actions plus globales pour un modèle sociétal équilibré, défendant le développement du territoire breton et sa culture. Il est de toutes les grandes luttes fondatrices du mouvement écologiste : contre l’extension du camp militaire du Larzac, contre la construction de la centrale nucléaire de Plogoff…
Il s’implique au niveau associatif national à partir des années 2000 : il représente France Nature Environnement (FNE) au Grenelle de l’Environnement et au Grenelle de la Mer (2008-2009) ; dans la foulée, il crée le réseau « Mers, océans et littoraux » de France Nature Environnement. Denez L’Hostis occupe différentes responsabilités au sein de France Nature Environnement (dont la Présidence entre 2014 et 2017), fédération qui regroupe 900 000 adhérents dans 6 500 associations consacrées à la protection de la nature et de l’environnement. Il représente aujourd’hui FNE en tant qu’administrateur de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), est membre du CNB (Comité National de la Biodiversité) et du CNML (Comité national Mer et littoral).
A un niveau plus personnel, il a aussi bâti une des premières maisons bioclimatiques et solaires de France au début des années 1980, sur les bords de l’Odet, où il vit toujours aujourd’hui.
Militantisme et engagements politiques
Engagé au sein du PSU (Parti socialiste unifié) au niveau national (membre du bureau politique) et régional dans les années 1970 (création du PSU Bretagne), il est compagnon de route de nombreux hommes politiques de cette époque et suit les causes militantes de l’époque : droit des femmes, luttes sociales, luttes environnementales, mouvements de libération nationale dans la période post-décolonisation…

Élu conseiller municipal écologiste (EELV) à Quimper, vice-président de Quimper Communauté (2008-2014), il y prend en charge le climat et la transition énergétique.
Une collection signifiante des engagements et du militantisme en Bretagne depuis les années 1970
Le don de Denez L’Hostis s’inscrit pleinement dans l’axe d’acquisition lié aux engagements et mouvements politiques de la seconde moitié du 20e siècle, qui constitue l’un des enjeux du projet scientifique et culturel du Musée de Bretagne.

Outre les qualités graphiques attachées individuellement à telle ou telle affiche, l’intérêt de ce fonds tient aussi à sa globalité, en tant qu’expression d’un parcours de vie, fait de militantisme et d’engagements : en effet, ces affiches disent toutes quelque chose du parcours du donateur, de ses relations avec d’autres réseaux régionaux, internationaux. Il est donc intéressant de le documenter par un entretien avec le donateur où celui-ci peut resituer sa participation à l’évènement évoqué par l’affiche, son rôle éventuel en tant que commanditaire.
Pour autant, le Musée de Bretagne n’a pas vocation à conserver l’ensemble des affiches proposées, dont certaines sont en doublon, triplon voire plus ; une sélection et un tri important ont été fait lors du déplacement chez le donateur. Une sélection d’affiches engagées d’autres régions et internationales (Irlande, Catalogne, pays basque, Corse…), voire génériques (PSU national, luttes pour le droit des femmes…) ont été écartées et pourraient être proposées à d’autres musées. 139 affiches ont ainsi été prélevées sur un ensemble de plus de 400 proposées, mais le fond est encore plus important.
Ce don intervient deux ans après un don important d’un autre témoin, Fañch Olivier, qui lui appartenait à l’UDB (Union démocratique bretonne). Témoin de première main également, en prise directe avec les évènements, Denez l’Hostis illustre toutefois un autre parcours, plus tourné vers l’environnement. Il s’agit donc d’un fonds très complémentaire pour comprendre les ressorts de l’engagement politique des années 1970-1980 en Bretagne, notamment en matière environnementale et écologiste, et les liens ou désaccords avec d’autres mouvements militants ou causes.
Le don comprend des affiches qui peuvent être rattachées à plusieurs thématiques : écologie et environnement (77 items), économie et travail (8 items), langues bretonne (7 items), etc.

Cet ensemble permet de documenter mais aussi de créer un récit muséographique polysémique autour de plusieurs évènements importants en Bretagne, comme les marées noires (Amoco Cadiz, 1978), la lutte contre la centrale nucléaire de Plogoff (jusqu’à l’arrêt du projet après l’enquête d’utilité publique de 1980) et de les resituer à l’aune du développement des mouvements militants pour la défense de l’environnement (SEPNB, Bretagne vivante, Eau et Rivières de Bretagne) et de l’écologie politique, singularité de la région.
La présence d’autres thématiques, notamment l’emploi et la culture permet de comprendre l’approche globale, holistique et non sectorielle des questions politiques portées par ces mouvements et leurs militants. Ainsi, la diversité (naturelle et culturelle) est une valeur en soi qu’il convient de promouvoir ; l’organisation d’évènements culturels est autant une manière de promouvoir les valeurs (solidarité, convivialité, autonomie, responsabilité…) que de lever des fonds nécessaires à la cause.

En termes de valorisation, ces affiches feront l’objet d’une présentation sélective au sein de la section Bretagne contemporaine du musée remaniée début 2023, ainsi qu’à l’Écomusée de la Bintinais. Le portail des collections en ligne est aussi un moyen de porter à connaissance des chercheurs un fonds inédit et d’envisager un complément de documentation via l’indexation collaborative.
Céline Chanas.
Septembre 2022.