Agapes de gala pour les uns, dans l’intimité des pures traditions familiales et religieuses pour les autres, les fêtes de Noël sont des réjouissances populaires dont on ne cherche plus les origines. Que conserve le Musée de Bretagne sur le sujet ?
Les Merveilles de Noël
Par définition, Noël est la fête chrétienne qui célèbre la Nativité, c’est-à-dire qui rappelle la naissance de Jésus-Christ.

Comme d’autres manifestations de la religion chrétienne, la célébration de Noël s’est superposée à des cérémonies païennes qu’elle a fini par remplacer. Selon le calendrier romain, le solstice d’hiver se trouve concorder avec le 25 décembre (et non avec le 21 décembre de l’année tropique) : Noël est donc la christianisation d’une fête solsticiale qui avait lieu le jour de la naissance du Soleil appelé Natalis Invicti /anniversaire de l’Invincible. Il ne faut donc pas s’étonner si la nuit du 24 au 25 décembre, mélange de croyances religieuses et d’éléments de la mythologie des saisons, est une des plus riches en superstitions et légendes. L’origine solaire explique d’ailleurs l’une des principales traditions, celle du feu dans l’âtre : une bûche était brûlée pour symboliser le soleil renaissant. Dans la tradition chrétienne, lors des veillées de Noël, ce feu rappelle que Jésus n’avait que le souffle chaud du bœuf et de l’âne pour se réchauffer, et ce, même si ces animaux n’apparaissent que dans l’évangile apocryphe du pseudo-Matthieu au 6e siècle. Si en Bretagne, la bûche est appelée kef nedelek, elle porte beaucoup de noms différents à travers toutes les provinces françaises, le plus répandu étant Tréfouet qui signifie qu’elle doit durer trois jours.

En Basse-Bretagne, les anges ou la Vierge viendraient se réchauffer près de l’âtre le temps de veiller sur les enfants laissés à la maison pendant la Messe de Minuit. Mais le feu de la bûche aurait surtout pour fonction d’éloigner les êtres fantastiques qui courent la campagne pendant la nuit de Noël : au moment de l’élévation de l’hostie, fées, korrigans, hommes-loup, le char de l’Ankou, les damnés, les martyrs, les saints et les anges -que seuls les animaux peuvent voir- se montrent.

En attendant Minuit
Il ne fait aucun doute que ce sont la Messe de Minuit, ainsi que ce qui la précède et la suit, qui confèrent à Noël sa physionomie. Avant le réveillon lui-même, les heures sont déjà empreintes d’allégresse ; une sorte d’effervescence règne dans les rues.

Les boutiques redoublent de lumière et hèlent les passants vers leurs étalages. Il y a affluence dans les magasins, dans les bazars, chez les marchands de comestibles et chez les confiseurs. Les gens ont les bras chargés de paquets, d’autres achètent un sapin qu’ils vont décorer. L’ornementation d’un arbre de Noël est avérée dès le 16e siècle en Alsace pour les mystères, représentations religieuses joués dans les églises ou devant leur porche pendant l’Avent. Ce genre théâtral évoquait le paradis terrestre, la création, le péché d’Adam et d’Ève, pour se conclure par la promesse du Sauveur dont on s’apprête à fêter la Nativité. L’arbre, chargé de fruits et placé au centre de la scène figurait le paradis. C’est au 17e siècle qu’a été prise l’habitude de l’illuminer de bougies, mais c’est seulement au 19e siècle que son usage s’est vraiment généralisé dans les foyers. Quant à la chanson Mon beau Sapin elle a été écrite en Allemagne en 1824 et traduite en français en 1840.

La dévotion à la Nativité du Christ transparaît surtout dans l’exposition des crèches. Elles nous viendraient d’Italie, la première représentation religieuse du mystère de Bethléem se trouvant dans la vie de saint François d’Assise au 13e siècle. Des couvents des franciscains, les crèches permanentes seraient passées dans les églises au 15e siècle, puis dans les foyers des familles, d’où la confection de personnages de petite taille en mie de pain, en bois, en papier mâché ou en argile, comme les célèbres santons de Provence (santoun/petit saint).

Réveillon, cadeaux et étrennes
Pour le réveillon en lui-même, si de nos jours beaucoup de personnes économisent pour avoir un repas gastronomique, dans la plupart des foyers bretons, le boudin et la bouillie de froment au miel ont longtemps été traditionnellement consommés. Chez ceux qui fêtaient le Nouvel An cette nuit-là, il y avait des crêpes de blé nouveau. Auprès de l’âtre où brûle la bûche, les enfants déposaient leurs sabots ou leurs souliers pour recevoir quelques friandises, voire, pour les plus chanceux, un présent, comme dans les légendes des vies de saint Crépin et saint Crépinien.

Le saviez-vous ? Au 18e siècle, il était populaire pour les adultes de la bonne société d’échanger des cadeaux en forme de chaussure appelés « fantaisies en faïence ». Ces chaussures miniatures étaient remplies d’amandes en sucre ou de bijoux comme des bagues.
Déjà à l’Antiquité, au solstice d’hiver, des cadeaux étaient échangés. À Rome, cela était fait au nom de la déesse Strenia : le mot « étrennes » vient d’ailleurs d’un bois sacré qui lui était consacré. Dans les pays nordiques, le Dieu Odin apportait aux enfants la récompense ou la punition de leur comportement par des objets. Cette mission de gratifier les enfants se retrouve dans la légende chrétienne de saint Nicolas, très populaire en Lorraine, dans les Flandres et en Angleterre : le jour de sa fête, le 6 décembre, on disait aux enfants qu’il allait déposer les présents et les friandises dans les sabots ou les souliers disposés devant les cheminées, mais qu’il était parfois accompagné d’un personnage méchant chargé de les punir s’ils avaient été désobéissants. Dans plusieurs provinces, l’enfant Jésus est celui qui amenait les cadeaux la nuit du 24 au 25 décembre. Au milieu du 19e siècle, aux États-Unis, le Père Noël a vu le jour comme une réminiscence de saint Nicolas. Il est arrivé en Europe après la Première Guerre mondiale et s’est vite imposé sous la pression du monde du commerce.

D’après les folkloristes du tournant du 19e siècle, la nuit de Noël, les mendiants chantaient de maison en maison pour récolter des dons en compensation de vœux de santé, de prospérité et de paix qu’ils octroyaient aux habitants. Le 26 décembre, jour de la Saint-Étienne, dans le pays de Tréguier, les enfants parcouraient les rues pour présenter des souhaits en échanges de petits gâteaux ou de quelques pièces. Dans les localités du pays de Léon, le dernier samedi du mois de décembre, à l’approche du premier jour de l’An, la municipalité et les notables parcouraient les rues et demandaient de porte en porte pour les pauvres de l’argent, du pain ou de la viande.

Les fêtes de Noël réunissent toutes les classes sociales, les croyants et les non-croyants… Elles mélangent les coutumes de toutes les contrées. Les traditions se perdent-elles ? Il semble plutôt qu’elles évoluent et s’enrichissent de génération en génération pour rendre les gens heureux !
Bonnes et joyeuses fêtes de Noël !
Sophie Chmura.
Décembre 2022.