« Faire luire le flambeau de l’instruction »

« Faire luire le flambeau de l’instruction jusque dans le hameau du pauvre […], faire disparaître  les ténèbres épaisses de l’ignorance où croupissent la plus grande partie des habitants de la campagne » : c’est non sans lyrisme que le conseil municipal de Locquirec annonce au début des années 1830 son programme en faveur de l’école. Durant tout le 19e siècle, et même bien au-delà, la Bretagne est sous alphabétisée par rapport aux autres régions françaises, malgré des variantes locales plus favorables. Dès la fin du 17e siècle et plus encore au siècle suivant, un ample mouvement d’alphabétisation se met en place, touchant la bourgeoisie, mais aussi des catégories plus populaires ; une distance se marque entre les villes et les petites communes rurales. L’enseignement est assuré par les communautés religieuses, on apprend à lire, à écrire ou les deux, quelques rudiments de calcul, le catéchisme.

Établissement Saint-Martin à Rennes – marque du domaine public – Collection musée de Bretagne, Rennes

Il faudra attendre les lois Guizot (1833), Falloux (1850) et Ferry (1881-82) pour que très lentement la situation évolue : malgré l’obligation faite aux communes de créer une école élémentaire de garçons, d’y accueillir et d’y loger un instituteur, la force d’inertie des campagnes bretonnes est immense, alors que dans les petites ou moyennes villes la situation se modifie. L’école rencontre dans les campagnes indifférence, méfiance ou hostilité : elle prive les paysans d’une main d’œuvre nécessaire ; en Basse Bretagne elle nécessite l’usage d’une langue éloignée du quotidien. Pourtant en 1850 déjà, le paysage scolaire n’est plus le même ; dans le Finistère le nombre d’écoles communales de garçons est passé de 120 à 204, le nombre de communes propriétaires d’une école a été multiplié par six. 

Classe de garçons, Clohars-Fouesnant, 1914 – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

L’école normale de Rennes, la plus grande de France, forme les instituteurs bretons mais suscite aussi de la méfiance ;  l’église doute de la moralité des élèves, la formation des maîtres modifie leurs pratiques culturelles et sont sujettes à caution « tel qui est entré à l’école normale avec le costume breton en sort en veston et chapeau de citadin ».

École normale de Rennes, J. David, 1882 – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

La même stratégie de méfiance et d’immobilisme s’appliquera aux écoles de filles, aux écoles normales d’institutrices, celle de Rennes ouvrira en 1885, 54 ans après celle des garçons ! Et ensuite à l’enseignement préélémentaire qui dans certaines zones rurales ne se développera pleinement qu’après 1968. Malgré ce départ peu glorieux des années 1830, la Bretagne s’affiche en 2011,  comme « l’académie de toutes les réussites », et caracole en tête des sondages, notamment pour sa réussite au baccalauréat.

Le flambeau de l’instruction a donc gagné !

Laurence Pord’homme.

Extrait de Objets de l’histoire, mémoires de Bretagne, Les collections du musée de Bretagne, éditions Ouest-France, Rennes, 2011.

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