L’édition 2023 des Gras de Douarnenez s’est achevée le 22 février. Un millésime qui a connu un large succès puisque le défilé du dimanche a été admiré, pour la première fois, par plus de 11 200 spectateurs.

Lors de cette fête carnavalesque bretonne très populaire, rituels, bals et défilés se succèdent pendant cinq jours. Le premier jour, le samedi, le roi ou la reine carnaval, nommé Den Paolig, est intronisé : après une parade dans les rues de Douarnenez, sa figure en papier mâché de trois mètres de haut est suspendue au fronton des halles. S’en suivent différents moments de fête et rituels : nuit de fête, noce, défilé de chars, course inter-bars, bal costumé, bal des enfants, etc. jusqu’à la crémation de la figure du Den Paolig, sur le port, le mercredi soir. Pendant 5 jours, les Douarnenistes vivent pleinement les Gras, avec une grande liberté de ton.

Si des études et des expositions ont déjà eu lieu sur le large thème des carnavals en France, aucune enquête-collecte ethnographique n’a jusque-là été réalisée sur les Gras de Douarnenez.
Alors que le Musée de Bretagne travaille à la reprise et à l’adaptation de l’exposition Carnavals créée par le Musée de Normandie – Château de Caen et par le Musées de Granville en 2020-2021, le besoin d’une étude ethnographique approfondie sur les Gras de Douarnenez a été identifié.
L’exposition qui ouvrira au Musée de Bretagne en 2025 questionnera ce rituel festif universel, des origines médiévales aux fêtes contemporaines, de l’Amérique latine au territoire breton, pour mieux comprendre cette grande fête collective du renversement, encore très ritualisée. Elle mettra en avant, au cœur d’une approche universaliste des fêtes carnavalesques, des carnavals emblématiques territoriaux : Nantes, Scaër et Guémené-sur-Scorff ainsi que les Gras de Douarnenez.

Aussi, à l’initiative du Musée de Bretagne, une mission d’enquête-collecte a été confiée à un acteur expérimenté en la matière, l’OPCI-Ethnodoc (office pour le patrimoine culturel immatériel) : Marjorie Ruggieri, anthropologue, dirige l’enquête, accompagnée de Michel Colleu, compagnon de l’OPCI, en tant que collecteur de terrain.
Temps 1 : une enquête-collecte liant différents partenaires
Fort de son expérience dans l’enquête ethnographique sur les fêtes et carnavals (carnaval de Nantes, fêtes des Bouviers, etc.), l’OPCI-Ethnodoc met en œuvre un projet de collecte qui réunit différents partenaires, au travers d’un comité de pilotage :
– L’association Emglev Bro Douarnenez,
– Le comité d’organisation des Gras de Douarnenez,
– La Fédération des festivals, carnavals et fêtes de France,
– La Fédération des festivals, carnavals et fêtes Bretagne,
– Le Port-Musée de Douarnenez,
– Le Musée de Bretagne.
Une méthodologie en plusieurs phases, déjà éprouvée pour l’étude du carnaval de Nantes, est appliquée :
– Une phase préparatoire qui permet d’identifier le corpus d’acteurs et d’informer les habitants de Douarnenez, avec l’aide précieuse des partenaires locaux,
– Une phase archivistique qui permet, à travers une synthèse documentaire, d’écrire l’histoire de la fête,
– Une phase d’entretiens et de collecte qui permet de recueillir les témoignages d’informateurs privilégiés (carnavaliers, organisateurs, élus, etc.). Un inventaire du patrimoine culturel immatériel des Gras est dressé : gestes, savoir-faire, langages spécifiques, etc. Le patrimoine matériel est également repéré (objets, costumes, photographies, films, etc.),
– Une phase d’analyse qui permettra un regard introspectif et prospectif : quelles représentations des Gras, quel sens pour les habitants, quels rôles culturel, touristique, social des Gras ?

Temps 2 : une enquête-collecte valorisée par plusieurs expositions
La matière collectée, tant matérielle qu’immatérielle, sera conservée par les institutions partenaires, et constituera un patrimoine commun nouveau, représentatif de la région. Elle sera accessible à tous et réutilisable par le biais du portail des collections du Musée de Bretagne et de la base RaDdo de l’OPCI-Ethnodoc.
Elle sera également mise en valeur à travers plusieurs projets :
– Une restitution de l’enquête aux Douarnenistes dès 2024, selon une forme qui reste à déterminer,
-L’exposition de 400m² au Musée de Bretagne en 2025, adaptation de l’exposition Carnavals coproduite par les Musées de Granville et le Musée de Normandie-Château de Caen,
– Une reprise est à l’étude au Port-Musée de Douarnenez, pour 2026, de la partie de l’exposition consacrée aux Gras développée au Musée de Bretagne. Elle pourra faire l’objet d’une nouvelle exposition.
En mars 2023, l’enquête est en cours, et elle promet d’être très riche… Ce qui se passe aux Gras, restera-t-il aux Gras ?
Fabienne Martin-Adam
Mars 2023
Bonjour,
Nous sommes les déguisés pris sur une des photos (les Breton et Bretonne photographiés de dos) qui illustrent votre article.
Il faut préciser que ce déguisement a été imaginé en réaction à certaines polémiques qui ont vu le jour depuis quelques années au moment des Gras : les Gras de Douarnenez sont accusés d’être une fête raciste (phénomène du « blackface ») et « masculiniste » (déguisement des hommes en femmes), et en général de véhiculer des préjugés portant atteinte aux minorités racisées ou sexuelles.
Certaines personnes, dont nous ne remettons pas les combats en cause, posent des tags et des affiches sur les murs de la ville, dans le but d’ouvrir les yeux des pauvres Douarnenistes incultes sur leurs coupables agissements…
Nos déguisements, qui présentaient de face des personnages bien connus et consensuels (des pierrots gentils et de braves Bretons typiques en costumes « traditionnel »), et de dos d’imposantes paires de fesses noires (« black fesses »), n’avaient d’autre but que de nous moquer de ces polémiques récentes et, à nos yeux, parfaitement ridicules.
Caroline KERNALEGUEN et Pierre YVEN
Merci beaucoup pour votre témoignage. Nous avions en effet repéré cette polémique lors de l’édition 2022 des Gras. Nous allons intégrer ces éléments de contexte.