De nouveaux dépôts archéologiques issus de fouilles rennaises entrent au Musée de Bretagne

L’archéologie au musée de Bretagne : une histoire ancienne !

Depuis 1996, l’État (Direction régionale des affaires culturelles – Service régional de l’archéologie de Bretagne) et la Ville de Rennes, par l’intermédiaire de conventions, ont ensemble convenu des dépôts au Musée de Bretagne des mobiliers archéologiques issus des opérations archéologiques autorisées sur le territoire de Rennes, ainsi qu’en Ille-et-Vilaine et plus ponctuellement à l’échelle de la région Bretagne. Cette convention a été transférée à Rennes Métropole à partir de 2000. Selon cette convention, le Service régional de l’archéologie de Bretagne s’engage à avertir le Musée de Bretagne en cas de découverte de mobiliers archéologiques significatifs sur le territoire de la Bretagne (issus de découvertes fortuites, fouilles programmées ou fouilles préventives) susceptible d’intéresser le musée. Le musée, dont le parcours permanent comporte un important nombre d’objets archéologiques de la Préhistoire au Moyen-Âge et dont le projet scientifique et culturel accorde une place particulière à l’archéologie du territoire breton, continue d’accueillir régulièrement en dépôt des biens archéologiques mobiliers découverts lors de fouilles prescrites par l’État, notamment dans le cadre de l’archéologie préventive.

En raison d’enjeux techniques actuels (saturation des réserves du musée, difficulté de compatibilité dans la migration des données d’inventaire de la fouille au musée) et scientifiques (orientations du projet scientifique et culturel du musée, projets de l’État en faveur d’un futur Centre de conservation et d’étude sur le territoire, contexte de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP ), la convention en cours prévoit une logique de dépôt des mobiliers archéologiques entre l’État et le musée sur la base d’une sélection pouvant être matériellement conservée, valorisée auprès des publics et rendue accessible aux chercheurs.

Le Musée de Bretagne étudie l’opportunité des dépôts en fonction de plusieurs critères : pertinence vis-à-vis des axes du projet scientifique et culturel, moyens humains et budgétaires affectés à la gestion des dépôts, espaces de réserve disponibles, conditions particulières de conservation. Le mobilier archéologique sélectionné pour un dépôt au Musée de Bretagne doit :

–        soit présenter un intérêt scientifique qui en permette la valorisation au sein d’un parcours permanent ou d’expositions temporaires ;

–        soit nécessiter des conditions spécifiques de conservation pouvant être préférablement assurées par le musée (par rapport aux dépôts archéologiques de l’État sur le territoire).

De nouveaux dépôts illustrant l’histoire de Rennes

Dans ce cadre, et à la suite d’expositions temporaires ayant présenté un certain nombre de biens archéologiques découverts ces dernières années sur le territoire (Louise de Quengo en 2017, Rennes les vies d’une ville en 2018), près d’une centaine d’objets ont été choisis pour entrer en dépôt au musée. Ils sont principalement issus des opérations archéologiques préventives menées par l’Inrap au Couvent des Jacobins (2011-2013) dans le cadre du projet d’aménagement du Centre des Congrès, et de la place Saint-Germain (2014-2015), dans le cadre de la construction de la seconde ligne B du métro. Les datations des objets trouvés en fouille recouvrent des périodes chronologiques larges principalement de l’Antiquité au 19e siècle pour le couvent, du Moyen-Âge à la Seconde Guerre mondiale pour la place Saint-Germain.

Objets du Couvent des Jacobins

L’ampleur de l’opération du Couvent des Jacobins résulte de sa superficie (8 000 m² fouillés au cœur du centre-ville de Rennes) et de l’implication de nombreux archéologues et professionnels spécialisés dans des périodes diverses pour couvrir l’ensemble des champs concernés par cette fouille complexe et inédite. Le choix d’objets pour la mise en dépôt a tout d’abord concerné la période antique, puisque le site correspondait à un secteur d’habitation de Condate s’étant fortement développé entre le 1er et le 4e siècle et révélait pour la première fois un carrefour important de la ville romaine, dont le centre était marqué par un monument religieux ou commémoratif implanté dès la fondation de la ville. Tout un quartier artisanal s’est alors développé autour de ce carrefour, avant une orientation plus résidentielle et un déclin vers la fin du 3e siècle. Les objets entrés en dépôt recouvrent des champs très divers de la vie quotidienne (épingles, pions, stylet, éléments de parure, clé, serrure, pied de chaudron…) en matériaux organiques (os) ou en métal.

Clé provenant des fouilles du couvent des Jacobins, Rennes, Antiquité – CC BY SA, cliché K. Colonnier – Dépôt de L’État au Musée de Bretagne, Rennes

On note la présence remarquable d’un glaive daté de la première moitié du 1er siècle évoquant le rôle des militaires dans les premiers temps de la ville (fondation, organisation).

Glaive provenant des fouilles du couvent des Jacobins, Rennes, 1ère moitié du 1er siècle – CC BY SA, cliché K. Colonnier – Dépôt de L’État au Musée de Bretagne, Rennes

La dimension religieuse est notamment illustrée par les statuettes de déesses-mères en céramique et par deux petites figurines de bélier et coq en bronze, probablement liées au culte de Mercure.

Figurine de coq provenant des fouilles du couvent des Jacobins, Rennes – CC BY SA, cliché K. Colonnier – Dépôt de L’État au Musée de Bretagne, Rennes

L’autre partie des objets accueillis en dépôt illustrent davantage la période moderne du couvent (fondé en 1368). Particulièrement renommé entre le 15e et le 17e siècle, le couvent devient une nécropole privilégiée des élites locales sous l’Ancien Régime, attestée par la découverte d’environ huit cents sépultures réparties entre différentes zones d’inhumations sur le site. Dans le sillage de l’accueil des dépôts prioritaires relatifs à la sépulture remarquablement conservée de Louise de Quengo dès 2015 (vêtements), correspondant à l’un des cinq cercueils de plomb retrouvé sur le site, le musée intègre avec ce nouveau dépôt l’un des cercueils, quatre cardiotaphes (urnes en plomb en forme de cœur accueillant le cœur d’un défunt), tout un ensemble de petits objets de dévotion (médailles, éléments de chapelet), ainsi que des urnes cinéraires ou récipients en céramique, découverts en contexte funéraire. L’ensemble de ces objets apportent des informations précieuses sur les pratiques funéraires des élites au 17e siècle.

Cardiotaphe de Toussaint de Perrien provenant des fouilles du couvent des Jacobins, Rennes – CC BY SA, cliché K. Colonnier – Dépôt de L’État au Musée de Bretagne, Rennes

Objets de la place Saint-Germain

Pour Saint-Germain, où la fouille en milieu humide a livré des lots de mobilier médiéval exceptionnels, le choix a été de donner la priorité à des objets rares (éléments d’armement métalliques du 11e siècle, enseignes de pèlerinage du 13e siècle) ou particulièrement sensibles comme les objets en matériaux organiques de la fin du Moyen-Âge (bois, cuir, os).

Enseigne de pèlerinage du 13e siècle provenant des fouilles de la place Saint-Germain, Rennes – CC BY, cliché A. Amet – Dépôt de l’État au Musée de Bretagne

Le site, connu préalablement par des sondages réalisés en 2009 et 2011, correspond en effet à un quartier d’origine médiévale, se développant à la fin du Moyen entre l’église Saint-Germain et la deuxième enceinte fortifiée de Rennes (édifiée au milieu du 15e siècle). Son évolution urbaine a pu être retracée aux époques moderne et contemporaine, jusqu’à la rupture brutale due à sa destruction en 1944 lors de bombardements. Le quartier, en dehors de la ville antique, est visible sur le plan dit d’Argentré de 1616, laissant voir notamment une rue bordée de maisons menant de l’église à une porte fortifiée comparable à la Porte mordelaise. L’étude de ce quartier par les archéologues de l’Inrap a permis de manière inédite d’apporter des connaissances sur l’urbanisation de ce secteur à partir du 11e siècle (création du faubourg), sur son lien avec l’enceinte fortifiée et son évolution aux époques ultérieures, ainsi que sur la relation de la ville avec la Vilaine, grâce à cette zone précise de contact avec le fleuve.

Le quartier était installé sur un ancien méandre de la Vilaine et de nombreux vestiges, préservés par le contexte humide, ont été découverts attestant la présence d’aménagements de berges (systèmes de circulations, palissades, remblais, clayonnages…), ainsi que d’un pont ou d’un franchissement sur la Vilaine, de puits aménagés à l’aide de tonneaux de bois, exceptionnellement bien conservés.  Les objets découverts et déposés au Musée de Bretagne évoquent notamment la présence de plusieurs tanneries vers les 13e-14e siècles, de métiers liés à l’alimentation (boucherie, équarrissage) et d’activités artisanales aux 14e et 15e siècles.

Crochet provenant des fouilles de la place Saint-Germain, Rennes – CC BY SA, cliché K. Colonnier – Dépôt de L’État au Musée de Bretagne, Rennes

Dans la ville médiévale enclose, le quartier a pu prendre son essor grâce à la présence du pont et de l’entrée de ville : en témoignent la présence de nombreux artisans du cuir (selliers, bourreliers, cordonniers, savetiers), étayée par l’abondance de déchets de cuir, mais également des tourneurs sur bois et des fabricants de manches de couteaux, dont les rejets de fabrication ont été trouvés dans les dépotoirs. On soulignera la présence d’un objet remarquable, un boîtier de miroir portatif métallique orné d’une iconographie étudiée par Françoise Labaune-Jean (Inrap).

Boîtier de miroir portatif du 13e siècle provenant des fouilles de la place Saint-Germain, Rennes – CC BY, cliché A. Amet – Dépôt de L’État au Musée de Bretagne, Rennes

Trésor de Noyal-Châtillon-sur-Seiche

Enfin le trésor constitué d’éléments de vaisselle d’apparat en métal découvert à Noyal-Châtillon-sur-Seiche en 2012 (fouille dite de la ZAC Centre-ville, ilôt Floratrait, ilôt Presbytère), dans le prolongement des fouilles des années 1980 de la villa gallo-romaine de la Guyomerais, témoigne, comme de nombreux objets de la vie quotidienne découverts sur le site, de pratiques raffinées et d’un niveau de vie aisé des occupants.

Plat provenant des fouilles de Noyal-Châtillon-sur-Seiche – CC BY SA, cliché K. Colonnier – Dépôt de l’État au Musée de Bretagne

Manon Six.

Mars 2023.

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