Les baigneuses de menhirs

Dans le cadre de la résidence d’expérimentation de Yann Peucat au Musée de Bretagne de février 2022 à juin 2023, l’exposition permanente accueille le projet Le « Voyage Fantastique ».

À partir de photographies choisies dans les collections du Musée de Bretagne, le photographe rennais Yann Peucat crée de nouvelles images, mêlant réalité et fiction, et compose un portrait fantasmé, drôle et décalé, de la Bretagne.

Cette exposition temporaire a donné lieu à un travail de co-construction autour de la rédaction des cartels lors d’ateliers. Découvrez tout au long de l’été l’imaginaire et la créativité des participants ayant contribué à faire vivre les créations de Yann Peucat de manière parfois inattendue, mais toujours sensible.

Ces ateliers d’écriture ont été menés en partenariat avec la maison du livre de Bécherel et Virginie David.

Et si,

les menhirs pouvaient prendre un bain…

Jusqu’au début du 20e siècle, sur certaines îles bretonnes, chaque famille devait à la communauté insulaire des jours de corvée. Au printemps, on prenait soin de faire prendre un bain aux pierres levées pour activer leur croissance : ce que l’on appelle la corvée des cailloux.

Le photographe nous permet ici de saisir qu’il s’agissait d’une tâche surtout féminine, les hommes étant partis en mer. Il ne manque pas de s’amuser de l’analogie de la coiffe et du menhir.

Série – Les îles -Yann Peucat / Tirage noir et blanc / CC BY-SA-NC / Source : Collection Musée de Bretagne – Les deux Ports, Île de Houat (Morbihan), anonyme, début du 20e siècle, Marque Domaine Public

Les baigneuses de menhirs par Alexandra

La Bretagne est une terre de légendes, une terre qui renferme ses traditions et ses secrets. La région regorge de sites connus pour leur magie et pour les histoires qui s’y jouent. De korrigans espiègles en fées ardentes, de fontaines sans âge en pierres dressées, nombreux sont les compagnons et les chemins de nos errances littéraires et arborées.

Nous avons eu envie de côtoyer d’un peu plus près la légende, en rencontrant Barnabé Cassine, amateur de sardines et ethnologue retiré sur l’île d’Houat, depuis la première lune jusqu’au dernier tombeau. L’homme observe. L’homme photographie. Il scrute. Il analyse. Il s’émerveille. Barnabé nous présente un cliché en noir et blanc, portrait volé voilà près de cinquante ans. Sous nos yeux, deux protagonistes, deux piliers de cette terre bigoudène amarrée dans les siècles. Et une pierre…

Il nous raconte que Soazig et Gwenn étaient des baigneuses de menhirs, que c’était leur contribution à la continuité de la vie. Monsieur Cassine, qui est un passeur de mots, nous transmet leur engagement :

« Nous promenons les menhirs parce que nous allons leur donner un bain. », m’avaient expliqué les deux femmes. « Nous les promenons, nous les baignons et nous reprenons la ronde. La ronde ne s’interrompra que le jour où l’un d’entre eux flottera. »

La croyance disait que le sel de la mer lavait l’outrage et fixait le temps. Une fois épurée, la pierre retrouvait sa verticalité et ses racines. Un autre sel circulait alors, sous la terre, dans les veines.

Barnabé Cassine, du haut de sa falaise et de son grand âge, continuera de veiller sur cette île et ses légendes jusqu’à la brume, comme Soazig et Gwenn ont su veiller sur leurs majestueux cailloux.

Les baigneuses de menhirs par Muriel

« Nous promenons les menhirs parce que nous allons étudier s’ils flottent par beau temps m’avaient expliqué les deux paysannes pour cette grande occasion » Ar Roch’, ethnologue retiré sur l’île d’Houat de janvier à décembre 1929.

Les baigneuses de menhirs par Virginie

Nous promenons les pierres levées parce que nous allons chaque matin prendre un bain de mer nécessaire à notre santé, nous autorisant même à flotter quelques temps dans l’eau fraiche, les pierres levées doivent être immergées deux fois l’an, aux solstices, pour garantir l’immortalité de la race humaine. Vous comprenez donc l’importance de cette promenade m’avaient expliqué les deux habitantes de l’île de Houat

Jean Kerat , ethnologue

Retiré sur l’île d’Houat de 1876 à 1897

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