Dans le cadre de la résidence d’expérimentation de Yann Peucat au Musée de Bretagne de février 2022 à juin 2023, l’exposition permanente accueille le projet : Le « Voyage Fantastique ».
À partir de photographies choisies dans les collections du Musée de Bretagne, le photographe rennais Yann Peucat crée de nouvelles images, mêlant réalité et fiction, et compose un portrait fantasmé, drôle et décalé, de la Bretagne.
Cette exposition temporaire a donné lieu à un travail de co-construction autour de la rédaction des cartels lors d’ateliers. Découvrez tout au long de l’été l’imaginaire et la créativité des participants ayant contribué à faire vivre les créations de Yann Peucat de manière parfois inattendue, mais toujours sensible.
Ces ateliers d’écriture ont été menés en partenariat avec la maison du livre de Bécherel et Virginie David.
Et si, les marins pêchaient aux gros …
Ce portrait d’équipage d’un sinagot, voilier morbihannais, illustre un reportage de mai 1919 consacré à la pêche au gros.
Ce jour-là, les marins prirent la mer pour une campagne côtière. Le photographe, expert dans l’art du cadrage, fait poser l’équipage, seul le léger bougé de l’arrière-plan montre le côté vivant de la prise de vue.

Source – Collection Musée de Bretagne – Pêche à la traine, lieu inconnu, Jacques de Thézac (1862-1936), vers 1900-1920 – Marque Domaine Public
Le monstre, par Odile
J’étais à bord du Saint Michel une simple chaloupe pontée et je rêvassais me rappelant l’assaut du capitaine Hatteras pour tuer Moby Dick.
Le barreur tenait négligemment une ligne à la main dans l’espoir d’attraper quelques maquereaux, quand une gueule effroyable surgit à l’horizon, porté par une vague. Le bateau naviguait lentement et à chaque instant une collision pouvait se produire qui eut été fatale. Tout l’équipage sembla paralysé. Puis les matelots se précipitèrent à leurs postes, le navire semblait pris de frénésie. L’animal monstrueux plongea brutalement et le bateau fut secoué de vibrations violentes. La bête prise au piège de la ligne qu’elle avait avalée nous entraînait dans un tourbillon mortel. Le monstre nous tenait à sa merci. Et la ligne tendue à l’extrême céda.
Le surnaturel animal se rapprocha à une vitesse diabolique. Son œil fixé sur nous il hésita, plongea et reparut de l’autre côté de la coque soit qu’il eut tourné soit qu’il eut glissé sous notre embarcation. Sa queue heurta le gouvernail. Un craquement atroce et l’agitation cessa dans un bruit de succion. Le bateau vira sur lui-même comme un jouet. Tout le bord se cramponna à sa place. Une prière muette s’empara de l’équipage et lentement le calme se fit … l’animal comme un cauchemar avait disparu dans les fonds.
Jules Verne, par Alexandra
« J’étais à bord du Saint-Michel I, une simple chaloupe pontée lorsque, tout d’un coup, des obscures limites de l’horizon, surgit un mammifère aquatique, une bête, un monstre, long de 200 ou 300 pieds, sans identité repérée. A la vue des dents pointues qui émaillaient sa gueule ouverte et affamée, il était bien sûr impossible de le confondre avec un sous-marin émergé ou un écueil échoué. Il se déplaçait tantôt à la surface tantôt en brasse coulée. Je voulais croire qu’il s’agissait-là d’un trésor de pêche, d’une prise miraculeuse, d’un très gros poisson harponné avec talent par mon père, et que l’animal pourrait nourrir tous les chalutiers pour au moins une année. Mais je restais réservé. Je redoutais ses accélérations, une collision, mon engloutissement tout entier. Je n’avais pas envie de finir à mon âge dans le ventre d’un Moby Dick bientôt épinglé. Mon père, très calme, à peine étonné, se laissait photographier. Il était fier de rentrer au port, sur son baleinier improvisé, avec sa ligne ainsi taquinée. La mer semblait illuminée par-dessous, comme si un rayon vert, venu des profondeurs éveillées, voulait pour l’occasion nous raccompagner. Je me demandais surtout avec quelle épuisette nous allions bien pouvoir le récupérer. Une histoire extraordinaire que quelqu’un, peut-être un jour, aura envie de raconter… »