René-Victor Boëlle naît le 5 avril 1864 à Brest. Il est le fils d’un chirurgien de marine qui décède alors qu’il n’a que six ans. S’intéressant dès sa sortie du lycée à la photographie, il commence sa carrière professionnelle à Tours (Indre-et-Loire) où l’un de ses oncles était proviseur de lycée. Le 3 octobre 1889, Ubald de Jongh (-1892), lui cède le fonds du commerce du 8, rue de la Préfecture, dont le photographe Gabriel Blaise (1827-1897) avait fait l’une des meilleures maisons de Tours. René Boëlle reste peu de temps à Tours. Le 1er août 1891, il cède son bail à Clément Lagriffe et rentre à Brest. Il installe son studio au 42 boulevard Victor Hugo en 1893. Pendant que son épouse, Emilienne-Clara Le Chevalier (1869-1940), fait des portraits dans leur atelier, René Boëlle se consacre aux prises de vue extérieures et à l’édition de cartes postales. Il créé sa propre maison d’édition. À la suite d’une chute au cours d’un reportage en 1914, il doit arrêter son activité de photographe. Il rentre à la mairie de Brest, en tant que rédacteur. Sa femme prend sa suite pendant de nombreuses années. En 1922, un grave problème aux yeux lui fait cesser toute activité. Il décède en 1942, à l’âge de 78 ans.
Le Musée de Bretagne conserve une trentaine de cartes postales éditées par René Boëlle, sous la mention « R. Boëlle, phot-édit., Brest », représentant différents sites finistérien : Landunvez, Camaret-sur-Mer, Brest, etc. Mais l’ensemble de 23 tirages d’époque qui vient d’être donné par l’arrière-petit-fils de René Boëlle est très rare. Aucun autre tirage n’est pour l’instant connu.
Étant destinées à l’édition en carte postale, ces photographies représentent pour la plupart des lieux renommés du Finistère et de l’Ille-et-Vilaine : abbaye de la Pointe Saint-Mathieu, phare de Brignogan, Dinan, etc.
Parmi elles, une photographie se distingue : elle montre le chantier naval de la famille Hily au Relecq-kerhuon, dans l’anse du Poull-Du. De 1862 à 1951, les membres de la famille y construisent des chaloupe kerhorre, typiques de la rade. La photographie de René Boëlle montre ce modeste chantier naval, devant lequel une chaloupe est au mouillage, au retour de la pêche, son long filet de pêche séchant.
Les pêcheurs kerhorres naviguaient à l’affût des lieus, merlans blancs, bars, mulets, rougets, maquereaux, sparts, chinchards et autres aiguillettes, dans leur modeste chaloupe de 6,20 mètres tout au plus, de l’étrave à l’étambot. La pêche s’effectuait à la nuit tombante, où les bancs de poissons pénètrent dans la rade et les rivières. La journée, l’équipage, composé de quatre personnes généralement d’une même famille, pratiquait le koubanage, au mouillage dans une baie : ils affalaient le mât, s’abritaient sous une tente, se reposaient dans la partie avant du bateau. L’arrière servait de pièce de vie, avec un foyer pour la cuisine. Cette vie propre aux Kerhorres s’est maintenue jusque dans les années 1950. La motorisation a eu raison de ce mode de pêche et de vie. Progressivement, les pêcheurs ont abandonné leurs bateaux dans les grèves. Une réplique de ce bateau disparu a été construite en 1988. Le chantier Hily n’est aujourd’hui connu que par quelques cartes postales. Des recherches au Service Historique de la Défense à Brest nous ont permis d’identifier la chaloupe immatriculée B939 et nommée Léon : elle a été construite en 1904 au chantier Hily, pour Sébastien Calvez, domicilié à Kerhuon. Elle est revendue à plusieurs reprises avant d’être rayée des registres en 1931.
Certains clichés ne sont pas localisés pour l’instant, ils le seront certainement grâce à l’aide de notre communauté de contributeurs qui œuvre sur le portail des collections du Musée de Bretagne. Ils ont déjà identifié plus de 2000 images.
Fabienne Martin-Adam.
Septembre 2023.
Bibliographie :