Une monnaie rare venue de loin

Cette pièce en or, relativement rare, a été frappée à la fin du 4e siècle avant notre ère par les souverains grecs qui dominaient Cyrène, en Libye. Elle représente au droit une victoire sur un quadrige, au revers Zeus tenant un sceptre et une coupe ou patère. 

Statère de Cyrénaïque, or, entre 322 et 313 av. J.-C. – CC BY – Cliché A. Amet, collection Musée de Bretagne, Rennes

Comment ce statère, qui est l’objet grec découvert le plus à l’Ouest, a-t-il pu échouer sur la plage du Finistère où il a été retrouvé ? Ramené sur le rivage par une algue, il provient probablement de l’épave d’un navire qui a fait naufrage. Mais ce navire était-il un des navires qui suivaient l’expédition de Pythéas, cet explorateur marseillais qui aurait reconnu Ouessant à la fin du 4e siècle, ou un navire marchand sur la route de l’étain ? Le mystère reste entier.

La monnaie

Il existe dans le monnayage grec des statères d’or ou d’argent qui n’ont pas la même valeur. Les statères en or, d’un poids de 8,60g, apparaissent quand Alexandre et ses successeurs frappent massivement monnaie à partir de l’or et de l’argent thésaurisés par les rois de Perse, après la conquête de la Perse par Alexandre.

Il s’agit ici d’une pièce frappée par Cyrène, dans l’actuelle Libye. Cyrène est une colonie de Théra fondée vers le milieu du 7e siècle av. J.-C. Elle reste indépendante jusqu’à ce qu’elle tombe sous domination lagide après la mort d’Alexandre (en 323 av. J.-C.). Entre 322 et 313, elle est dirigée par le tyran Ophellas, qui avait été envoyé par Ptolémée Ier sur demande des Cyrénéens pour chasser le tyran Tibron. C’est sous son règne qu’aurait été frappé ce statère.

Sur l’avers, est représenté un quadrige conduit par Nikè ailée (la Victoire), tenant un aiguillon. Est inscrit l’ethnique KYRANAION (Cyrène).

Sur le revers est représenté Zeus Ammon debout, tenant une patère (sorte de coupe sans pied) de la main droite et un sceptre de la main gauche, devant un encensoir à plateaux. La légende est ΠΟΛΙΑΝΘΕΥΣ/POLIANTHEUS, c’est le nom du magistrat alors en charge.

Ce statère est un type de monnaie peu fréquent.

Le contexte de découverte

La pièce a été découverte en 1959 sur une plage de Lampaul-Ploudalmézeau, au Nord-Ouest de Brest. C’est un officier de marine à la retraite qui est à l’origine de la découverte : il ramassait des algues sur cette plage pour les étendre dans son jardin à Brest. Quand les algues se sont décomposées, il a aperçu un point brillant. En dégageant les restes d’algues, il a découvert la pièce. Elle était prise dans la racine de l’algue, ce qui exclut qu’elle ait pu être perdue par un promeneur. Elle provient donc des fonds marins, probablement de l’épave d’un navire qui aurait fait naufrage dans la région.

La pièce est en très bon état et a très peu perdu de poids, ce qui permet de penser qu’elle a été perdue peu après sa frappe (elle a été rayée sur une face, probablement par des grains de sable).

C’est l’objet grec trouvé le plus à l’Ouest en France, et probablement en Europe. Elle était probablement embarquée dans un navire qui a fait naufrage et dont l’épave n’a pas encore été retrouvée. Que faisait un navire transportant des monnaies grecques dans cette région ? Deux hypothèses sont privilégiées :

  • Il pourrait s’agir d’un navire grec, punique ou indigène, faisant le commerce de l’étain. Il aurait eu à son bord des pièces d’or pour payer ses relations commerciales qui privilégiaient les monnaies en or.
  • Il pourrait également s’agir d’un navire accompagnant l’expédition de Pythéas.  À la fin du 4e siècle av. J.-C., cet explorateur serait parti de Marseille et serait allé jusqu’à l’île Thulé (Islande ?), à la recherche de l’ambre et de l’étain. Il aurait reconnu Ouessant avant de longer les côtes de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. Il s’est intéressé au phénomène des marées, qu’il aurait été le premier à décrire, mais également aux peuples qu’il a côtoyés et à leurs coutumes. On peut imaginer que son expédition comprenait plusieurs navires et que l’un d’eux a fait naufrage alors qu’il tentait de faire relâche dans cette région. (Ses écrits sont malheureusement perdus).

La pièce a été trouvée en 1959. Elle a été achetée peu après par le laboratoire d’archéologie de l’université de Rennes 1 et confiée à un groupe d’experts du Collège de France. On en a ensuite perdu toute trace jusqu’à ce qu’un numismate la repère en vente en 2013. Elle a alors pu être achetée par l’État pour être déposée au Musée de Bretagne, où elle a rejoint le parcours permanent Une histoire de Bretagne en janvier 2024.

Laura Favreau.

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