Richard Dumas, photographe – la musique et le cinéma dans la peau et l’objectif

On a tous vu une image de Richard Dumas : dans la presse, sur une affiche ou une pochette de disque. L’homme est lui fort discret : photographe, vivant à Rennes, il travaille pourtant dans le monde entier, sur les traces des musiciens, cinéastes, acteurs, dont il tire le portrait depuis les années 1980.

Il a photographié des stars internationales mais aussi des musiciens bretons, de différentes générations et esthétiques musicales. Le Musée de Bretagne vient d’acquérir auprès de l’artiste cinq tirages numérotés au titre des collections publiques, cinq portraits de musiciens bretons.

Richard Dumas, photographe dandy,  relié à l’histoire du rock à Rennes et en Bretagne

Né en 1961, Richard Dumas vit à Rennes, tout en cultivant le mystère : dandy aux lunettes noires, c’est un homme de la nuit, dont le travail s’expose en noir et blanc, à son image.

Ancien doctorant en robotique, il vient à la photographie nourri par la littérature, la musique et le cinéma. De la fin des années 1970 au début des années 1990, son travail de jeunesse se démarque et s’affirme, avec un sens particulier des cadrages, des contrastes, des regards et de l’intemporel. Le photographe forge sa vision au gré des rencontres, celles de la vie quotidienne, de la scène musicale rennaise émergente (il fut le premier guitariste d’Etienne Daho !), et celles, plus extraordinaires mais toujours intimes, avec celles et ceux qu’il admire. Parmi eux, Willy DeVille, Nico, Miles Davis, Chet Baker.

Richard Dumas travaille toujours régulièrement pour la presse française Le Monde, Libération, en réalisant des portraits de personnalités. On lui doit de nombreuses 4e de couverture de Libération notamment. Bien qu’il ne soit pas portraitiste de studio, il réalise de nombreux portraits noir et blanc de personnalités dans le monde du spectacle, du cinéma, en France et à l’international : Robert de Niro, Lou Reed, Kate Moss…

Ses travaux et sa proximité avec certaines personnalités l’ont notamment fait rencontrer et se lier d’amitié avec de nombreux musiciens, comme Alain Bashung ou Christophe Miossec. Il est aussi l’auteur de nombreuses pochettes de disques, notamment celles des albums Boire de Miossec, l’Imprudence de Bashung.

Sa rencontre avec le musée date de 2014, au moment du 20e anniversaire de l’incendie du Parlement de Rennes : se développe alors un projet intitulé Tan  – Feu en breton – installation photo-musicale très immersive d’une série inédite réalisée la nuit de l’incendie et mise en musique par le musicien-compositeur Olivier Mellano. Habitant à proximité de la place du Parlement, il avait alors réalisé dans la nuit, au cœur de l’incendie, une série qui donnait à voir les œuvres détruites, tout juste extirpées du bâtiment fumant du parlement. La composition musicale d’Ollivier Mellano mettait en lumière le fil rouge de ce récit, celles des traces fugaces, évanescentes, presque irréelles d’un patrimoine consumé.

Des photographies de portrait aux pochettes d’albums de disque

Privilégiant l’argentique et le noir et blanc, il réalise des portraits contrastés, très expressifs, le plus souvent dans des environnements urbains, dans des bars, dans la rue… mais certains portraits sont également très sobres, uniquement centré sur l’humain, comme celui d’Alan Stivell ou de Christophe Miossec.

Portrait d’Alan Stivell, Richard Dumas, 2000 – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Les portraits retenus pour ce projet d’acquisition se rejoignent par plusieurs critères :

  • Le musicien est breton, d’origine et/ou d’influence dans la société et la culture bretonne
  • Les portraits ont tous servi à la valorisation du projet musical du musicien représenté, dans sa dimension « industrie musicale » : ils disent aussi l’évolution des manières de diffuser la musique (par le concert, l’album, enregistré en studio mais aussi le live).

Richard Dumas accorde une importance particulière à ces productions : « Je travaille beaucoup avec le label Alpha qui fait de la musique classique et jazz. Et puis avec le Label Pias. On ne regarde pas toujours les crédits. Moi, je les regardais les crédits beaucoup. J’achetais l’album des Stones, je regardais, tiens pochette Andy Warhol. La pochette de disque pour moi ça a été un truc que je considérais vraiment comme de l’art dès tout petit. « 

Les photographies retenues se distinguent par le critère de la diversité d’esthétiques et de générations musicales. Ainsi, la culture « pop ou rock celtique » est présente avec la figure quasi-mythique d’Alan Stivell mais aussi de Kristen Noguès, qui va vers le jazz et le contemporain. Le rock rennais est aussi présent avec la figure incontournable de Marquis de Sade ou d’Etienne Daho. Enfin, cap à l’Ouest, avec le choix d’un portrait de musicien brestois, qui a marqué toute une génération, Christophe Miossec et l’album Boire au mitan des années 1990. Pour ce dernier portrait, l’un des préférés de l’artiste, le tirage s’est donc porté sur un grand format en 90 cm x 90 cm, à la différence des autres qui seront en 37 cm x 37 cm, 4 formats identiques pour conserver une cohérence en vue d’une future présentation au public.

Portrait de Miossec, Richard Dumas, 1995 – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Diskönoir Live est un album live d’Étienne Daho enregistré à la Cité de la musique de Paris le 5 juillet 2014. Il est paru le 24 novembre 2014. Le portrait de Daho, de profil dans un bar illustre la pochette de l’album.

Portrait d’Etienne Daho, Richard Dumas, 2014 – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Celle de Marquis de Sade est, elle, commandée à Richard Dumas en 2017 à l’occasion de la reformation du groupe le temps d’un concert à Rennes en septembre 2017 qui fera date, suivi d’un album live et d’une dizaine de concerts en 2018, avant le décès de son chanteur Philippe Pascal en 2019.

Portrait du groupe Marquis de Sade, Richard Dumas, 2017 – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Les portraits d’Alan Stivell et de Miossec, plus classiques, du pur portrait noir et blanc faisant ressortir l’intériorité de l’artiste par le regard illustrent les pochettes de Back to Breizh (2000), et de Boire (1995). Quant à Kristen Nogues, grande compositrice et harpiste décédée en 2007, la photographie figure au verso de son album An Evor, sortir en 2000.

Portrait de Kristen Nogues, Richard Dumas, 1999 – Copyright-Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Dire la Bretagne et Rennes, comme terre de création musicale et de bouillonnement artistique

Ce projet d’acquisition rejoint 2 axes différents dans le projet scientifique et culturel, celui de la photographie contemporaine et l’attention portée aux enjeux du monde contemporain, notamment dans le domaine des loisirs, du sentiment d’appartenance, de l’identité et de la culture populaire.

Le domaine de la musique, et certaines figures très populaires de ces portraits qui sont attachés à la Bretagne, nous permet de documenter cette évolution sociétale et de faire entrer matériellement des œuvres qui pourront porter un discours et une muséographie  : sur les liens entre musique et celtisme depuis les années 1960, sur l’histoire du rock à Rennes et en Bretagne depuis les années 1980, sur les pratiques comme la  création musicale mais aussi la naissance et le développement des festivals et des salles – à l’instar des  Transmusicales, de l’Ubu à Rennes.

Céline Chanas.

Janvier 2022.

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