Les savoir-faire de la broderie dans les collections du Musée de Bretagne

Le musée de Bretagne diffuse en 1985 une campagne promotionnelle dont une des affiches est entièrement recouverte d’un détail de broderie d’un chupenn (veste en breton) bigouden de la fin du 19e siècle. Cette pleine page en broderie de fils de soie jaune d’or, où l’on reconnait la plume de paon montre l’importance de la broderie dans l’histoire de la Bretagne et dans sa construction identitaire. Explorer les collections du musée de Bretagne, pour interroger les savoir-faire de la broderie, c’est donc cheminer à travers cinq siècles d’histoire, de conservation, de politiques d’acquisition, avec cet esthétisme en tête où s’enchevêtrent mémoire, patrimoine et histoire.

Affiche promotionnelle du Musée de Bretagne, imprimerie Beausoleil, 1985 – Marque du domaine public- Collection Musée de Bretagne, Rennes

La broderie est un art du fil, du trait qui permet de figurer, de symboliser et d’orner toute matière fibreuse (textile, cuir ou papier) à l’origine de divers objets, meubles ou pièces vestimentaires, témoignant de la culture matérielle d’une époque. Elle s’exprime différemment en fonction des praticiens, des commanditaires et de la volonté de faire signe.

Dans les collections du Musée de Bretagne, les pièces brodées sont réalisées dans différentes matières, en fils d’or et d’argent, de laine, de soie, de lin, de coton ou de paille, selon différentes techniques dont la maîtrise dépend de la main qui tient l’aiguille ou le crochet.

Attestée par des sources manuscrites et matérielles, comme étant pratiquée professionnellement dès la fin du Moyen Âge en Bretagne, notamment pour soutenir la communication du duché entre le 14e et le 16e siècles, afin de broder des dais et des étendards aujourd’hui visibles sur certaines représentations ou pièces,[1] ce sont toutefois des pièces liturgiques de cette période qui sont conservées au musée de Bretagne.

Au Moyen Âge et à la Renaissance, cet art sert à figurer saints et apôtres dans la liturgie chrétienne. Ces images brodées, que l’on nomme orfrois, sont fabriquées en série dans de nombreux ateliers européens. Leur commerce est le fruit d’un dense maillage d’échanges commerciaux et diplomatiques. Les brodeurs se déplacent et proposent leur savoir-faire auprès des cathédrales et des églises en construction. De nombreux noms de brodeurs nous sont connus, mais malheureusement pas ceux à l’origine des orfrois de Pleumeur-Bodou offerts par la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine en 1853 au musée de Bretagne.

Orfroi du 16e siècle brodé de fils d’or et d’argent, de soie et de laine, Pleumeur-Bodou, acquis en 1853 par la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine – Marque du domaine public- Collection Musée de Bretagne, Rennes

Plusieurs séries d’orfrois de factures différentes, tous brodés en fils d’or et d’argent, en fils de soie, en fils de lin et de laine, sont gardés précieusement dans les réserves et n’ont jamais été exposées. La finesse des traits des visages et la maîtrise technique en broderie, témoignent d’un savoir-faire de qualité qui après 500 ans n’a pas perdu de son éclat, comme si les orfrois sortaient tout droit de l’étal d’un de ces marchands brodeurs ou marchands d’ornements d’église arpentant les terres bretonnes. Les figures brodées dans la liturgie chrétienne se raréfient avec la Réforme catholique au profit des motifs floraux et des symboles liturgiques, même si cet art figuratif reste majoritairement encore employé sur les bannières de procession.

De nombreux brodeurs trouvent en Bretagne, surtout pendant la Réforme catholique, assez de travail pour s’installer et développer la broderie de bannière, à destination des paroisses et des confréries qui fut parfois relayé par le travail de certaines communautés religieuses.

Deux bannières de la seconde moitié du 18e siècle sont conservées au musée de Bretagne, dont une est visible dans le parcours permanent, avec les figures (personnages), la lune et le soleil brodés en fils d’or et d’argent, en fils de laine et de soie. Mais les plus remarquables sont à voir in-situ, dans les églises bretonnes où près d’une centaine sont prêtes à partir en procession.

Photographie d’une procession à l’occasion du pardon de Saint-Herblot à Plonévez-du-Faou en 1983, Claude Carret – Tous droits réservés – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Les brodeurs et brodeuses de l’Ancien Régime travaillent à la broderie de la liturgie chrétienne et l’enrichissement constant des vestiaires liturgiques se comprend d’autant plus à la lecture des inventaires prérévolutionnaires. Ainsi, la célèbre chasuble à la tête de mort, datant du 17e siècle, exposée en 2024 pour l’exposition « Mourir, quelle histoire ! », témoigne en broderie des préoccupations de nos ancêtres, de cette mort quotidienne, figurée en gloire, permettant, ainsi brodée, peut-être de la rendre moins effrayante.

La broderie sert de passerelle entre les Bretons et Dieu mais aussi entre les instances de pouvoir de la société et de la population. Les pouvoirs politiques s’expriment en broderie, pour marquer un objet, un champ visuel du décorum textile. Le don en 2006 par les amis du musée d’une bourse en velours, portant en broderie « Les États de Bretagne-1786 », en fil de laine noire, et portant Armes de France et de Bretagne en fils d’or et d’argent, symbolise l’union de la Province à la France.

Bourse de jetons des états de Bretagne, 1786, aux Armes du royaume de France et de la province de Bretagne, broderie de fils d’or et d’argent, de soie et de laine, œuvre restaurée par Angélique Durif – CC BY – Cliché A. Amet, collection Musée de Bretagne, Rennes

Cette bourse de congratulation, offerte par les états de Bretagne à différents bienfaiteurs de la collectivité, est fabriquée en série par des maîtres boursiers parisiens matérialisant ainsi une réalité politique dominante. Cette diffusion des symboles politiques en broderie montre l’importance du marquage visuel des instances de pouvoir. Symboles qui se retrouvent sur des costumes officiels des représentants de la ville ou des États de Bretagne. Ils se retrouvent sur des tapisseries, des meubles ou les fauteuils des parlementaires, en broderie aux petits points, parfois commandés auprès des brodeuses de la communauté du Bon Pasteur de Rennes, de la manufacture des Gobelins ou des quelques maîtres brodeurs installés en ville.

L’expression en broderie s’observe à travers la culture matérielle et ses représentations dans une lecture du raffinement du luxe de l’élite à l’époque moderne. Le musée conserve plusieurs objets qui témoignent de la variété des supports brodés : chaise à porteur, mini-carte brodée de fils de soie, petites boites de mariage, etc… Quelques tableaux en broderie, dont celui de Jeanne Roussel daté de 1776, illustre parfaitement la maîtrise de la « peinture à l’aiguille » par certaines femmes, dans la pratique du for-privé.

Tableau de Jeanne Roussel de 1776, peinture à l’aiguille en fils de soie (Fougères, 35), signé “Jeane[sic]Roussel/1776 – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

D’autres tableaux de dévotion, aux motifs religieux brodés peuvent entrer dans cette pratique du for-privé de qualité à moins qu’elles n’aient été réalisées par des religieuses elles-mêmes. Car la broderie n’est pas l’apanage du métier de brodeur, elle est surtout pratiquée et transmise dans certains milieux familiaux et au sein des communautés religieuses, notamment dans les établissements qu’elles administrent (hôpitaux, orphelinat ou pensionnat par exemple). La diversité des objets et des pièces vestimentaires brodées conservée au Musée de Bretagne renvoie donc à des réalités de pratiques individuelles, collectives et professionnelles très différentes.

La présence de ces quelques pièces brodées dans les collections du Musée de Bretagne est révélatrice de l’histoire même de l’institution et de ses orientations successives, qui était à l’origine un musée de province en 1800, puis un musée de ville à vocation archéologique et ethnographique. Ce n’est qu’à partir de 1959 que le Musée de Bretagne deviendra, à part entière, un musée d’histoire de la Bretagne. Le manque de visibilité à travers les collections sur de nombreux aspects de la pratique dans les périodes anciennes ne peut se compenser que par le travail des historiens même si plusieurs aspects peuvent encore nous échapper.
Notons toutefois la présence d’une ceinture d’homme de 1798 des plus énigmatiques, puisque rentrée dans les collections tardivement en 1994 et sans explications attenantes, qui ouvre à une compréhension de la diffusion de savoir-faire techniques et d’esthétisme probablement au-delà des frontières sociales, provinciales voire occidentales connues.

Ceinture d’homme, broderie de paille sur cuir, “MS / 1798”, 109 x 14 cm – CC BY – Cliché A. Amet, collection Musée de Bretagne, Rennes

Cette ceinture en cuir est entièrement brodée en paille, portant les initiales « MS », la date « 1798 » est ornée de motifs qui peuvent s’apparenter au répertoire esthétique « breton ». Témoignage des échanges internationaux ou des savoir-faire locaux ? Le mystère reste entier. Toutefois la pratique de broder les initiales est courante dans le vestiaire des paysans riches dès le début du 19e siècle. Plusieurs chupenn conservés dans les musées du territoire portent à la lisière du dos des lettres et des chiffres en tissage ou en broderie.

La broderie en tant que telle n’a jamais été une priorité des conservateurs du Musée de Bretagne, excepté lors de son orientation ethnographique commencé au début du 20e siècle, et enrichie grâce au travail de René-Yves Creston, en complément des apports du MNATP (aujourd’hui MUCEM), dans le but de présenter la diversité des guises dans la « Galerie des costumes ».

Grâce à cet héritage ethnographique, le costume régional est entré dans les collections, puis élargi à la notion de vêtement à partir des années 1980. Jean-Yves Veillard, en 1983 soulignait le fait que « le musée de Bretagne est bien loin de pouvoir présenter l’évolution du vêtement de chaque classe sociale, (…), dans toutes les régions de la Bretagne ».[4] Depuis, les réserves textiles se sont enrichies et comptent près de 2 000 items en pièces vestimentaires répondant au mot broderie. Mais les collections à partir desquelles nous pouvons entrevoir l’histoire de la broderie sur le territoire sont bien plus nombreuses : estampes, photographies, cartes postales, peintures, dessins, divers documents manuscrits et imprimés, outils, objets…  

Fête des brodeuses, Pont-l’Abbé”, 14 juillet 1963, affiche signée Micheteff, imprimerie Bargain, Quimper – CC BY NC ND – Collection Musée de Bretagne, Rennes

En Bretagne, la broderie a joué pleinement son rôle de signifiant identitaire vestimentaire liée au vestiaire dit régional mais pas seulement. Tous les aspects ne peuvent être explicités dans cet article, mais il est indéniable que la diversité des modes, disons comme Pierre-Jakez Hélias « la fragmentation des modes », qui accompagna tout au long des 19e et 20e siècles la fabrication des costumes régionaux, en permit l’épanouissement et le maintien de la pratique.

Ensemble féminin composé d’un corselet, corsage, guimpe, bourrelet, jupe et tablier de la région de Rosporden-Elliant, Pays de Cornouaille, Concarneau. En usage au milieu du 19e siècle – CC BY – Cliché A. Amet, Musée de Bretagne, Rennes

Ainsi, d’un point de vue technique et esthétique, celle qui se démarque le plus est la broderie de couleur sur drap. Cette broderie qui couvre les plastrons des vestes, nommés chuppen dans le Pays bigouden, orne parfois les rabats, les lisières et les boutonnières des différents costumes des Pays de Bretagne. Également présente dans le vestiaire féminin sur les jiletenn (corsages), la broderie s’observe sur des jupes, des jupons, des tabliers ainsi que dans le vestiaire enfantin sur certaines pièces de costumes, des bonnets et des bavoirs. L’ordonnance des broderies change en fonction des lieux, des époques et des porteurs, mais également selon son genre, son « estat » et les moyens qui permettent de payer la brodeuse ou le tailleur-brodeur, permettant ainsi d’affiner l’identité du porteur. La broderie joue alors pleinement son rôle.

Détail de broderie sur une veste en drap de laine, 1853 (date brodée), Noyal-Pontivy – CC BY – Cliché A. Amet, collection Musée de Bretagne, Rennes

D’autres savoir-faire de broderie s’expriment sur différentes pièces associées aux vestiaires régionaux, selon les époques, genres et territoires. Les techniques sont alors plus communes ou issues de la “culture citadine” qui se déploient sur les cols, les guimpes, les corsages blancs, les châles, les paires de manchettes ou encore les mouchoirs… Le musée conserve ainsi de nombreuses pièces vestimentaires qui restent encore à étudier. René-Yves Creston classe en micro-territoires ces multiples modes, dans laquelle la broderie demeure reine. L’originalité du vestiaire féminin se situe également dans la forme que prennent les coiffes, les sous-coiffes et les bonnets en toile, mousseline ou filet brodé. Les techniques et les points de broderie sont alors décrits dans des manuels et sont communs à toutes praticiennes professionnelles ou amatrices des 19e et 20e siècles. Toutefois les motifs peuvent varier et quelques points semblent caractéristiques comme le point de Neudé que l’on retrouve sur les coiffes du Pays bigouden. Le musée conserve près de 700 coiffes, dont la broderie en orne plus de la moitié, souvent accompagnés de sa cousine la dentelle.

Coiffe de deuil, Plobannalec, vers 1945, broderie de coton sur toile de coton, passé plat, point de chaînette, point de Neudé et point de Deuil. | Musée de Bretagne, Rennes

L’adoption et la réinterprétation de ces points et modèles par les brodeuses et lingères du territoire traduit une volonté d’affirmer des modes locales. Sa pratique diffuse en permit le maintien tardif, surtout après les crises économiques et sociales du début du 20e siècle, où le travail de broderie constitua un filet de sécurité économique, selon certains textes, à des milliers de femmes. Malgré les avancées dans la mécanisation de la broderie, la qualité de la broderie main semble irremplaçable. Les besoins sont tels dans la mode féminine (en local ou à l’international), que plusieurs ouvroirs, ateliers et entreprises favorisent l’emploi des brodeuses. Dans l’état actuel des recherches, nous n’en mesurons pas encore l’étendue mais le musée en garde traces à travers des représentations, outils et coupures de presse.

Positif sur verre, jeunes filles brodant habillées à la mode Kapenn (Cap-Sizun et Ile de Sein), vers 1910 – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

À cela s’ajoute l’affirmation d’une « broderie bretonne » dont l’engouement touristique nourrit un marché en expansion, derrière les ateliers les plus connus que sont les ateliers Jacob, Pichavant et plus tardivement Le Minor installés dans le Finistère. Leurs productions sont alors diffusées dans les nombreux magasins aux spécialités bretonnes, dont les cartes de visite attestent de leur présence jusqu’à Paris. Cet engouement qui trouve racines dans la celtomanie et le romantisme de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, s’est nourri des estampes de Lalaisse et d’autres graveurs et peintres. À travers ces représentations se lit la place de la broderie dans l’épanouissement des costumes régionaux. Le musée conserve de très riches collections, qui peuvent être étudiées par le biais de l’histoire de la broderie dans ses représentations aux XIXe et XXe siècles, notamment les collections photographiques et les cartes postales. Certaines collections peuvent même être appréhendées en croisant les pièces vestimentaires conservées au musée, celles-là-même qui ont servi lors des séances photographiques.

Carte publicitaire ou professionnelle, Henri Barbe, Saint-Malo, marchand spécialisé dans les articles bretons dont la broderie, début 20e siècle – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

De cette pratique de la broderie aux 19e et 20e siècles, plusieurs zones d’ombres demeurent, et se cachent derrière l’image du tailleur-brodeur devenue très tôt un emblème de cette affirmation de la fabrication des modes locales. Fixée en photographie et relayée en nombre sur les cartes postales, cette figure du brodeur inspira de nombreux artistes comme Xavier de Langlais ou encore Théophile Lemonnier, fit surtout couler beaucoup d’encre, ce qui contribua à la popularité de la broderie bretonne. L’image du tailleur-brodeur symbolise d’une certaine manière le maintien de la pratique artisanale dans la société rurale contemporaine, et au-delà de sa pratique masculine. Deux thèmes forts qui vont à contre-courant de l’élan général, mais qui n’étaient pas pour déplaire aux défenseurs de l’artisanat. Au moment où le métier se féminise, la Bretagne s’attache à l’image de sa masculinité, pour un plus juste équilibre entre les genres.

Portrait photographique de Pichavant, « brodeur le plus habile de Bretagne », de Paul Géniaux, vers 1900 à Pont-L’Abbé – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Depuis les pensionnats tenus par des religieuses au 17e siècle aux écoles pour jeunes filles au 20e siècle, la broderie fait partie de l’éducation des filles et du quotidien de nombreuses femmes. Elle participe comme d’autres travaux d’aiguilles aux savoir-faire fondamentaux de la culture féminine.

Plusieurs pièces des collections du musée de Bretagne permettent d’en apercevoir les aspects matériels : du nécessaire de broderie offert par Mme Veillard, aux abécédaires, aux marques à broder (85 pièces) en passant par le crochet de châtelaine en forme de cœur. Plusieurs photographies en montrent la pratique communautaire, privée ou professionnelle, qui demeure à explorer et à étudier.

Marque à broder montée sur un petit rouleau, utilisé par l’atelier de Mme Lavigne dans les années 1940-1945 à Laval, étiquette « Nouvelles Galeries Laval » – CC BY- Cliché A. Amet, Collection Musée de Bretagne, Rennes

Le Musée de Bretagne garde traces également de différents courants artistiques et d’artistes qui s’emparent de ce médium et/ou de l’esthétisme issu de cette culture en broderie. Notamment le mouvement Ar Seiz Breur, avec Jeanne Malivel (1895-1926) en cheffe de file, qui réalisa une série de dessins dont le musée a hérité. De même, l’artiste Mathurin Méheut illustre l’ouvrage publié en 1947, Au Pays Bigouden, Brodeurs, Brodeuses, Broderies, mais il dessina plusieurs modèles de broderie sur filet dont le musée conserve quelques photographies. Le registre esthétique développé par les artistes brodeurs et brodeuses, est revisité et renouvelé par les artistes peintres, sculpteurs, graveurs des 19e et 20e siècles, et contribuent à la pérennité et la célébrité de la broderie et de la matière bretonne. 

Motif de broderie pour napperon dessiné par Jeanne Malivel et réalisé en broderie par Julie Pugeault, vers 1925 – Marque du domaine public – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Plus récemment, cet art a été renouvelé par plusieurs générations d’artistes-brodeurs et brodeuses qui ont porté cette culture dans les sphères du prêt-à-porter, la Haute Couture et des métiers d’art. Alors que le port du costume brodé disparaît de la vie quotidienne au profit d’une mode plus uniformisée, le prêt-à-porter de l’épopée bigoudène dans les années 1950-1980 tente de diffuser et pérenniser l’esthétisme Bigouden en broderie. Dans les années 1980, c’est la styliste Val Piriou qui renouvelle la mode néo-bigoudène dont le musée conserve une série de pièces vestimentaires entrevue lors de l’exposition Les ficelles du métier et Val Piriou Lady Bigoude de la Haute Couture. Au même moment, Pascal Jaouen brode ses premiers costumes et nous connaissons tous sa formidable école de broderie d’art fondée en 1995.  Les brodeurs Mathias Ouvrard ou encore Céline Le Belz, dont malheureusement le musée ne garde pas de pièces, ont ouvert des chemins de reconnaissances certaines.

Comme écrit Claude Fauque, dans sa synthèse « La broderie, Splendeurs, mystères et rituels d’un art universel », la broderie en Bretagne est un « cas d’école » qui mérite toute notre attention. Elle fait partie intégrante de l’identité régionale, car elle est présente dans son histoire sous différents aspects qu’ils soient sociaux, économiques, politiques, culturels, artistiques ou encore religieux. Lorsqu’en 1985, le musée de Bretagne met en avant l’image d’un détail de broderie, il rejoint sa vocation d’être un musée de société en affichant une culture constitutive de son histoire, de sa mémoire et de son patrimoine. Sur le territoire, différents savoir-faire se sont diffusés, enrichis et épanouis sous diverses formes et expressions, du Moyen Âge jusqu’à nos jours. Certains aspects s’aperçoivent et sont étudiables dans les collections du musée de Bretagne, mais c’est grâce à l’ensemble des acteurs de la préservation du patrimoine matériel et immatériel, des sources manuscrites et textiles que l’histoire de ce savoir-faire peut être faite. La Bretagne est une véritable terre de Culture[s] de Broderie, et la reconnaissance récente des savoir-faire de la broderie en tant que Patrimoine Culturel Immatériel témoigne de cette vitalité encore présente.

Étiquette fixée sur les produits fabriqués à l’atelier Saint-Ronan à Locronan tenu par Marc Le Berre, vers 1935, dessiné par Georges Fourrier (1898-1966) – CC BY NC ND – Collection Musée de Bretagne, Rennes

Shantty Turck

Doctorante en Histoire

Thèse de doctorat sur « La Broderie dans la Bretagne moderne » préparée sous la direction de Gauthier Aubert et Isabelle Brian à l’Université Rennes 2 et l’Université de Lorraine.

Un article à retrouver dans le revue Culture(s) de Mode.

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