En août 2019, dans les réserves externes du musée de Bretagne et de l’Ecomusée du pays de Rennes, des membres de la régie se sont affairés minutieusement dans les rayonnages : montant à l’escabeau au milieu des couloirs rangés d’un des magasins, elles ont soigneusement descendu 26 caisses mystérieuses, encombrantes mais légères, pour les placer en attente derrière un plateau de tournage.
Ce mois-ci en effet, la régie s’est vu confier la tâche passionnante de seconder la réalisation d’un film par Arnaud Géré, réalisateur des Champs Libres, sur un fonds particulier dont le musée a la responsabilité : les 26 modèles botaniques en papier mâché du docteur Auzoux.
Dans l’idée de présenter cette production pendant le Village des sciences, le court métrage présentera les modèles et leur histoire, ainsi que les mécanismes qu’ils cachent. Manipulables, ces objets étaient utilisés au 19e siècle et ensuite dans un but pédagogique par les écoles et lycées pour accompagner les cours d’histoire naturelle.
Louis Auzoux, leur créateur, a étudié la médecine. Dans les années 1820, il a eu l’idée de se confectionner des modèles anatomiques afin de comprendre mieux les rouages du corps humain. En associant le papier mâché à la poudre de liège entre autres, Auzoux a trouvé une façon de standardiser des modèles légers et manipulables à l’aide de moules réutilisables, assurant un succès immédiat à ses réalisations. Tant et si bien que son entreprise, fondée en 1828, a perduré jusque dans les années 2000.
Les modèles botaniques font partie de la création tardive du docteur, qui a lancé leur confection dans les années 1860. Ces supports de cours n’ont ensuite pas toujours eu la part belle, et ont parfois été perdus ou séparés au détour de déménagements divers. Inutilisés, désuets, ils ont pu être un moment relégués au placard dans certaines institutions, et retracer leur histoire depuis la fin du 19e siècle reste complexe. Comprenant l’importance de ces modèles pour l’histoire de la pédagogie, l’ancienne École Nationale Supérieure d’Agronomie située à Rennes, qui les conservait précédemment, les a déposés au Musée de Bretagne entre 1992 et 1999. En mauvais état pour certains, ils ont été restaurés successivement en 1996 et 2002.
En ce début du mois d’août, les 26 modèles ont eu un nouvel instant de gloire (ils ont été exposés plusieurs fois, notamment à leur acquisition à l’Écomusée du Pays de rennes) : on les a délicatement installés un a un entre la caméra et un fond blanc sur un socle tournant, spécialement ajusté pour leur sécurité. Pour mener à bien ce projet, la régie était présente pour vérifier les mécanismes de chaque modèle en amont, afin d’autoriser ou non l’ouverture des objets. Bien que restaurés, ces modèles de papier mâché sont tributaires des variations climatiques, si faibles soient-elles. Les crochets et anneaux métalliques peuvent s’oxyder, et le papier peut gonfler. En effet, si le climat est stable dans la réserve où les modèles sont conservés, il n’est pas « spécifiquement adapté au papier ».
Aussi, le travail de la régie a été de vérifier que les ouvertures se font toujours, et sinon, de le signaler à l’équipe du musée dans un but de préservation et de ne pas forcer, bien-sûr, les ouvertures qui coinceraient. Les modèles ont ensuite été installés sur un socle sécurisé, toujours à l’aide de gants nitrile ou coton pour protéger l’objet. Le socle lui-même était recouvert aux endroits de contact par de la mousse de polyéthylène.
Une fois filmés, les modèles ont été réinstallés dans leur boîte adaptée pour remise dans les rayonnages des réserves. Ils attendent à présent sagement leur valorisation. Ces trésors d’ingéniosité nous dévoilent leurs secrets.
Les modèles botaniques du Dr Auzoux from Les Champs Libres on Vimeo.Charlotte Labbe
Septembre 2019